En ce mois d'août, Chlef donne l'aspect d'une ville morte, écrasée par une chaleur étouffante. Après une animation relative le matin, le chef-lieu de wilaya se vide totalement dans l'après-midi tant il est impossible de circuler sous un soleil de plomb ou d'exercer une quelconque activité dans ces conditions. La population semble plutôt préoccupée par ses problèmes quotidiens, tels que le rationnement de l'eau potable, l'aggravation du chômage et la prolifération des maux sociaux. Mais ce qui est le plus inquiétant, c'est la montée de la violence dans les grands centres urbains, avec son lot quotidien d'agressions et de vols à l'arme blanche. « Il faut faire quelque chose pour remédier à la délinquance galopante et éviter à la région de vivre d'autres drames », nous diront des habitants qui fondent beaucoup d'espoir sur le projet de réconciliation nationale initié par le président de la République pour une prise en charge globale et urgente des problèmes majeurs auxquels fait face la wilaya.Or, à la lecture de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, soumise à référendum le 29 septembre prochain, beaucoup d'entre eux ont dû déchanter. Ils espéraient voir le chef de l'Etat se pencher également sur les questions prioritaires d'ordre économique et social, parallèlement à sa démarche prônant la paix et la réconciliation nationale. « Tout le monde est pour la paix mais il faut d'autres mesures pour renforcer cette option, notamment une véritable stratégie en matière de développement et de lutte contre la pauvreté », indiquent-ils. Et d'ajouter : « Beaucoup de personnes, dont des commerçants et des industriels, sont tombées malades, ont fait faillite ou sont dans l'impossibilité de s'acquitter de leurs engagements vis-à-vis du fisc et des banques à cause du terrorisme. Celles-là, elles ont été manifestement ignorées dans la charte présidentielle en question. » Les victimes du terrorisme et les patriotes sont du même avis, eux qui donnent l'impression d'avoir été, eux aussi, livrés à eux-mêmes sans aucune assistance de l'Etat. Avec pas moins de 4500 victimes civiles et des milliers d'orphelins, Chlef reste l'une des wilayas les plus touchées par la barbarie terroriste. Elle compte aussi plus de 4000 patriotes ayant pris les armes pour défendre leurs localités respectives. « La plupart des familles des victimes du terrorisme, ou ce qu'il en reste, vivent dans des conditions dramatiques faute d'une prise en charge sociale. La misérable pension qui leur est accordée par les pouvoirs publics ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins », déclarent certaines d'entre elles, rencontrées récemment dans la région montagneuse du nord-ouest de la wilaya. On nous citera le cas d'un garde communal : invalide à 100%, suite à l'explosion d'une bombe, celui-ci ne perçoit qu'une « pension de 10 000 DA par mois, allocations familiales comprises ». La précarité sociale est aussi le lot quotidien des nombreux patriotes qui ont été « remerciés » après l'adoption du référendum sur la concorde civile. Seuls quelques-uns d'entre eux ont été retenus et font partie des groupes de surveillance installés dans les vergers agrumicoles de Chlef et le long de la forêt dominant le littoral. Les autres se débrouillent comme ils peuvent pour assurer leur survie et celle de leurs enfants qui ne comprennent rien à la tournure prise par les événements.