Les cybercafés sont devenus à travers toutes les localités de Kabylie de véritables pôles d'attraction pour les jeunes. Habitués ou nouveaux, ces internautes y passent plusieurs heures à surfer sur le net. Dans la localité enclavée des Ouacifs (40 au sud-est de Tizi Ouzou), les cybercafés sont le seul endroit où les jeunes, dont la plupart sont des chômeurs, oublient la réalité amère de leur quotidien au prix de 60 à 70 DA l'heure. La maison de jeunes, fermée depuis une année en raison de travaux de réfection, n'a pas encore rouvert ses portes. Tandis que les autres infrastructures sportives, à l'exemple de la salle omnisports, sont délabrées et abandonnées. Djamel, chômeur, est un accro de ce canal virtuel de communication. « Je passe tout mon temps à naviguer sur Internet parce que je n'ai pas où aller », explique ce jeune de trente ans. « C'est le seul moyen pour m'évader et oublier mes soucis pour, au moins, quelques heures dans la journée. L'Internet me permet non seulement d'éviter le milieu de l'alcool et de la drogue mais aussi d'apprendre beaucoup de choses, et de connaître d'autres personnes pour un échange d'idées », ajoute-t-il. Cette merveilleuse invention du XXe siècle « extirpe », en effet, beaucoup de jeunes des différents fléaux sociaux qui en recrutent davantage. Par ailleurs, l'Internet s'avère pour de nombreuses personnes un moyen très efficace pour émigrer, redonnant un espoir pour ces jeunes en quête d'un visa pour l'étranger. Ainsi et à partir d'une simple discussion sur les sites de chat, des relations d'amitié sont nées et ont abouti au mariage. Kamel est parti en France et s'est marié avec Isabelle, une infirmière résidant à Bordeaux. Avant leur mariage, cette jeune fille, invitée par Kamel, est venue, à deux reprises, en Algérie. Le mois de juin dernier, les jeunes mariés sont rentrés au pays pour passer les vacances d'été avec la famille dans le village. « J'ai rencontré Isabelle, raconte Kamel, il y a trois ans dans un salon de discussion sur Internet. » Et de poursuivre : « Nous avons échangé des messages pendant plus de trois heures et nous sommes restés en contact jusqu'au jour où je l'ai invitée à venir en Algérie. Je l'ai rejointe en France et nous nous sommes mariés là-bas ». Kamel n'est pas le seul à vivre une telle aventure. Nouredine, cet artisan de trente-quatre ans, a lui aussi vécu la même histoire avec une jeune femme lilloise. Sauf que ce dernier attend toujours une réponse favorable à sa demande de visa. Il dit avoir dépensé de quoi acheter une petite voiture en l'espace de quatre années de connexion à Internet du matin jusqu'à, parfois, 23 h. Mais il affirme, esquissant un sourire, ne pas le regretter, puisque « j'ai arrêté de fumer et de boire depuis le jour où j'ai découvert le plaisir de la navigation et de la discussion avec d'autres gens sur Internet ». Les sept cybercafés de la localité s'avèrent être des endroits propices aux rencontres amoureuses entre les jeunes garçons et filles de la région. Si tous les ordinateurs sont occupés, ce n'est pas par des internautes mais plutôt par des couples qui n'ont pas d'autres lieux tranquilles pour se voir. Il existe d'ailleurs un cybercafé qui fonctionne « hors connexion » toute la journée ! L'inexistence d'espaces réservés aux familles et aux couples dans la localité a fait des espaces Internet des lieux de rencontre, non pas virtuels, mais en réél, l'aménagement spécifique des box de connexion étant approprié. En l'absence de lieux de loisirs et de prise en charge des jeunes à Ouacifs, les cybercafés demeurent les seuls endroits où l'on peut rester en contact avec le reste du monde.