La vie de M'rah se confond avec le métier de cinéaste. Il est auteur de plusieurs portraits (Ahmed Saber, hadj Ghaffour...), de documentaires et d'émissions à grands débats (« Le mur du silence », « Un certain regard... ») Son rêve, c'est de réaliser une fiction « même si cela coûte très cher », reconnaît-il. Coup de cœur et de colère d'un homme de la télévision. Un véritable SOS. Vous travaillez à la station régionale d'Oran, et apparemment, ce n'est pas un lieu de créativité ?! Pour être sincère, je dirai que j'ignore les statuts de la station régionale, nous existons rarement dans une grille, et pour réussir à produire quelque chose, il faut faire un véritable parcours du combattant. Je dirai mieux, la grille est une sorte de grand gâteau et on n'en reçoit qu'un petit bout. Et on peut dire aussi que depuis trois ans, c'est la galère pour vous... En effet, je suis mis au placard depuis trois ans, je ne comprends rien. Ils me disent qu'il n'y a pas d'argent, qu'Alger refuse mes projets, reste à le prouver. On vit une situation kafkaïenne. S'il n'y pas d'argent, tu n'existes pas dans une grille. Résultat : on fait les couloirs. Et après, on nous dit qu'on ne travaille pas, ce n'est pas raisonnable. Pour la station d'Oran, c'est une mort programmée. Pourquoi ? Pourtant, la station gère treize wilayas, donc autant de sujets intéressants... C'est incompréhensible ce blocage. Parlez-nous du cinéma algérien ! Tu parles de quel cinéma ? Je vais te raconter une anecdote, j'ai été au Maroc pour justement filmer les salles de cinéma. J'ai fait une sorte de pèlerinage subjectif, avec émotion... Et j'ai constaté, ébloui, que toutes ces salles sont protégées par un Dahir (une loi). D'abord, aucun n'a fermé ou disparu. Pourquoi les Marocains ont-ils une vision culturelle claire ? Sais-tu que les Marocains produisent treize longs métrages par an et qu'ils vont passer à vingt ? On n'a pas encore compris, chez nous, que la meilleure communication avec l'autre, ce sont les mots et les images. Comment peut-on informer, former et divertir sans cinéma, ? Je suis outré. Chez nous, on a « administralisé » les artistes, on a marginalisé les visionnaires dans tous les domaines, c'est écœurant. C'est un peu normal du moment que, quoi qu'on en dise, il y a toujours une seule télévision, le monopole à peine déguisé sur le cinéma... Si on libère la télévision, on libère les esprits et on crée une Algérie nouvelle. Ce n'est pas sorcier, quand on a un langage du cœur, l'autre adhère... En attendant, vous risquez d'être mis à la retraite... On ne met jamais un créateur à la retraite à 60 ans, c'est aberrant. Regarde Robert Altman, il fait toujours des films à 85 ans. On nous met à la retraite sans avoir pensé à la relève, ce n'est pas normal. Notre pays est grand, beau, plein de compétences, on devrait avoir une vision culturelle moderne. Enfin, gardons espoir...