Contrairement à leurs voisins (français et belges), les responsables italiens refusent de rendre publique une liste noire des compagnies aériennes dont les vols ne répondent pas aux normes européennes de sécurité aéronautique. Le ministre des Transports propose plutôt une liste blanche, ce qui est loin de rassurer les millions d'Italiens qui voyagent annuellement. Alors que dans les autres pays européens sont diffusées des listes noires des compagnies à risque, un grand quotidien italien a publié la semaine dernière une liste blanche des opérateurs aériens jugés « sûrs », dont la compagnie Air Algérie. A ceux qui reprochent au gouvernement italien de ne pas suivre son homologue français, le ministre des Transports italien, Pietro Lunardi, explique que « la position des autorités italiennes concernant la sécurité de la navigation aérienne est encore plus radicale que celle qui se base sur la liste noire ». Rassurant, Lunardi affirme qu'en Italie, « seules les compagnies aériennes parfaitement sûres sont autorisées à voler, les autres doivent être bannies ». Selon le représentant du gouvernement de Silvio Berlusconi, « il faut éviter de tomber dans le piège de la liste noire nominative, en la considérant comme une panacée pour la sécurité du transport aérien ». Point convaincus par ces explications, les voyageurs italiens espèrent que l'UE puisse faire pression sur le gouvernement italien pour l'obliger à fournir le nom des compagnies qui ne répondent pas aux critères de l'European Civil Aviation Conference (Ecac), l'organisme duquel font partie les autorités de l'aviation civile de 42 pays. Mais comme le relèvent les experts de l'aéronautique, l'Ecac n'est pas le seul opérateur à certifier la qualité de la sécurité des vols, puisque l'Europe demeure l'unique zone de navigation aérienne où le contrôle de la sécurité est assuré par plusieurs organismes, lesquels n'ont parfois pas les mêmes paramètres d'évaluation, l'Icao (organisme de l'Onu similaire qui compte 188 pays membres), étant l'autorité mondiale car elle peut couvrir toutes les zones. Les autorités italiennes, qui préfèrent miser sur les contrôles, restent persuadées que chaque compagnie qui demande à être autorisée à diriger son trafic aérien vers la péninsule devra répondre au test de la « Foreign Operator Check List », qui permettra de vérifier que l'opérateur est bien en règle avec les normes européennes. Ensuite, grâce aux bases de données européennes, il sera possible, dans un deuxième temps, d'exclure toute compagnie qui aurait été interdite de vol dans un autre pays européen. Cette dernière mesure a été évoquée suite au grave accident qui avait coûté la vie à plus d'une centaine de touristes français qui se rendaient à Charm El Cheikh sur le vol d'une compagnie égyptienne, préalablement déclarée indésirable dans la Fédération suisse. Ce genre d'informations est jugé capital pour intensifier les mesures de sécurité d'où l'opportunité d'une liste noire européenne unifiée. Mais cela ne suffit pas pour éviter des incidents techniques que seule une maintenance rigoureuse et des contrôles scrupuleux peuvent prévenir. A ce sujet, et conformément au programme Safa-Safety Assessment of Foreign Aircraft, l'entreprise italienne de l'aviation civile rappelle qu'elle a effectué en 2004 environ 700 inspections (soit la moitié de celles opérées par les Français) et qu'elles comptent multiplier ses interventions. Paradoxalement, l'année 2005 n'est pas une année noire pour la navigation aérienne puisque seuls 35 accidents ont été déplorés jusqu'à présent, contre une moyenne de 41 enregistrée les dix dernières années. Mais les Italiens, qui sont connus pour être des superstitieux impénitents, ne comptent pas se fier aux statistiques, surtout que durant le seul mois d'août, deux crashs aériens, en Sicile et au Pérou, ont fait une vingtaine de victimes parmi leurs concitoyens. Et la plupart voient d'un mauvais œil le refus des autorités de rendre publique la liste noire et accusent le ministère des Transports de vouloir protéger, de la sorte, des petites compagnies italiennes qui ne réponderaient pas à toutes les normes de sécurité.