Boudjemaâ Ghechir considère, dans ce bref entretien, que le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale a fait l'impasse sur les préalables de vérité, de justice et de droit de mémoire. Est-ce que votre organisation a été consultée pour l'élaboration du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale ? Non, nous n'avons pas été consultés. Pourtant, nous avons transmis au président de la République, à l'occasion de l'anniversaire du 1er Novembre 1954, un mémorandum dans lequel nous rejetions toute démarche d'amnistie sans les préalables de vérité, de justice, d'équité et de droit de mémoire. Plus tard, le 13 juillet 2005, nous avons appuyé notre demande par un autre rapport pour la même recommandation. D'après vous, la mouture actuelle du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale pourrait-elle suffire pour dépasser positivement la crise ? Les militants de la LADH pensent que ce texte ne fera qu'ajourner les problèmes de la tragédie nationale. Le projet de charte cultive une confusion selon laquelle tout le monde est coupable et tout le monde est innocent. La société ne peut pas évoluer dans un contexte pareil. Le document est incomplet, car ne situe pas explicitement les responsabilités. A titre d'exemple, l'article qui interdit toute activité politique ne définit ni les personnes ciblées ni les motifs de cette interdiction. Pour l'épineuse problématique des disparus, la commission ad hoc reconnaît que plus de 5000 personnes sont portées disparues par le fait des agents de l'Etat. Or le projet de charte nie complètement toute responsabilité de l'Etat et ne parle que d'indemnité matérielle. La solution, à notre sens, ne doit pas être circonscrite à des réparations matérielles. Le plus important réside dans la reconnaissance de la vérité et de la justice. Quelles sont vos suggestions pour pallier ces insuffisances ? Nous appelons à rétablir la vérité, la justice, l'équité et le droit de mémoire. Dans la pratique, il faut installer des commissions indépendantes pour situer toutes les responsabilités de la tragédie nationale. C'était le cas de 27 pays qui ont procédé à cette démarche, à l'instar de l'Afrique de Sud, du Chili et de l'Argentine. On ne peut pas certes importer une expérience, mais on peut créer notre propre expérience en la matière.