La Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH) appelle, dans une déclaration signée hier par son président Me Boudjemaâ Ghechir, à l'institution « d'une justice transitionnelle » afin d'identifier les responsables de la tragédie nationale, les criminels, les assassins, les violeurs et les commanditaires « quitte à les amnistier par la suite ». L'ONG nationale a, en effet, répertorié plusieurs griefs contre le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale avec un rejet vigoureux de « la realpolitik qui sacrifie la vérité et la justice sur l'autel des règlements politiques ». Ainsi, l'ONG considère que la paix sociale ne peut se réaliser par le silence autour de ce qui s'est passé et ce qui se passe. Aussi, continue-t-elle, seule une réconciliation nationale « juste et durable » est le garant sûr de la paix et de la stabilité. Autre reproche : l'inexistence d'un débat large et pluriel à cause de la fermeture du champ audio-visuel. « Une réconciliation nationale se construit et s'acquiert, mais ne se déclare pas », fait remarquer la LADH en soulignant qu'il revient aux Algériens et aux Algériennes de se comporter avec leur passé. Pour ces raisons, l'ONG de Boudjemaâ Ghechir suggère : « La réconciliation nationale doit dépasser le concept de réconciliation entre deux parties au conflit, mais s'étend à un mouvement d'évolution sociale qui vise une prise de conscience collective et un état d'esprit dans lesquels le peuple algérien dépassera les intérêts catégoriels pour atteindre les sommets de la responsabilité humaine afin d'arrêter l'effusion de sang et créer les règles de la coexistence pacifique et la cohésion sociale. » CONNAÎTRE LA VÉRITÉ Le peuple algérien, souligne la LADH, est en droit de connaître la vérité, toute la vérité, sur tout ce qui s'est passé ces dernières années, de connaître les commanditaires, les exécutants. « Il faut rejeter la situation confuse où tout le monde est coupable et tout le monde est innocent », peut-on lire dans la déclaration de l'ONG qui demande d'identifier les assassins, les criminels et les traduire devant la justice. « La lutte contre l'impunité est un élément central de la réparation et de l'équité », a annoncé la LADH qui indique que les victimes ont besoin d'une reconnaissance officielle des souffrances qui leur ont été infligées. La LADH relève, en outre, que la justice est partie intégrante de la paix. Selon les instruments internationaux de protection des droits de l'homme, les Etats, ajoute-elle, s'engagent à respecter le droit des personnes au recours à la justice et même si une amnistie générale était prononcée, les victimes devraient rester libres de recourir à la justice, si tel est leur souhait. Après quoi, Me Boudjemaâ Ghechir appelle l'Etat algérien à s'inspirer des expériences des autres nations qui ont souffert des crises internes sanglantes et qui ont mis en place des commissions indépendantes pour que tous les coupables et responsables soient connus par l'opinion publique. Les militants de la LADH affichent, ainsi, leur préoccupation par le fait que « les droits humains et les libertés fondamentales pourraient être sapés par certaines dispositions envisagées par la charte, y compris le droit à la protection de la mémoire collective ». Sur le même registre, la LADH fait montre de son inquiétude face à certains discours qui nient l'algérianité, le patriotisme et la citoyenneté aux voix discordantes qui essayent de s'exprimer sur le projet de charte. En contrepartie, l'ONG juge impérative l'ouverture du champ à expression plurielle, y compris la radio et la télévision, pour discuter, expliquer et même critiquer pour que le scrutin soit entouré d'un minimum de crédibilité.