« Chaque jour apporte son lot de mensonges sur la place publique. Le plus monstrueux de ces mensonges étant que tout acte commis par les Etats-Unis doit être pardonné, parce que nous sommes engagés dans une ‘‘guerre contre le terrorisme''. Passant outre le fait que la guerre elle-même est du terrorisme ; que faire irruption chez des gens, emmener des membres d'une famille et les soumettre à la torture, c'est du terrorisme » Howard Zinn (1) Beaucoup d'Algériens pensaient que le 8 avril 2004 constituait le premier acte du peuple dans la récupération de sa souveraineté, depuis « l'élan patriotique et républicain » qui stoppait net la démocratie, pourtant née douloureusement sous les balles un certain octobre 1988. Tout se déroule contrairement à ce que les « 85% » étaient en droit d'attendre de l'homme et des promesses de son programme. Quoique, hier, l'ambition et les projets tels qu'enrobés donnaient l'impression de cadrer superbement avec les aspirations du peuple. Aujourd'hui, plus qu'hier, les espoirs s'amenuisent ! La confiance d'hier est mise à rude épreuve. Et bien que la réalité apparente soit difficile à admettre, nombreux sont ceux qui, désormais, se demandent si le peuple n'a pas été délesté une fois de plus. Car en place du programme qui lui a été proposé, on lui impose autre chose. Il y a tromperie sur la marchandise ! Les décisions qu'on nous applique n'auraient jamais l'adhésion dans une consultation populaire libre. Combien d'entre nous seraient d'accord pour brader nos richesses hypothéquant ainsi l'avenir des générations montantes ? Combien d'entre nous sont-ils d'accord sur le drôle de traitement de la crise en Kabylie ? Combien d'entre nous sont d'accord pour voir sanctionner dans cet espace national les forces représentatives et légitimes au bénéfice des illégaux, de l'illégalité, du charlatanisme, voire du banditisme politique ? Combien d'entre nous sont-ils d'accord pour que la charte sur la paix et la réconciliation échappe à l'impérative solution politique et se limite à un simple traitement juridique sans vérité ni justice après que ne fut dénoncée auparavant sa réduction à un simple traitement sécuritaire, d'où son échec ? Reflétant une idée largement partagée, Me Ali Yahia Abdennour résumait : « Le pardon qui n'est pas précédé de la vérité et de la justice n'est qu'impunité ! » Ils ne sont qu'une minorité, conclurait-on sans doute. Cette minorité est algérienne de peau, mais n'a de respect ni pour le peuple, ni pour l'Etat qui reste à construire, ni ses institutions, encore moins pour les lois qu'elle fait et défait et qu'elle viole. Pour cette mystérieuse « loge », l'Algérien est une valeur marchande moins coté qu'un conteneur de pétards. D'un côté, le président lance à l'Algérien : « Arfaâ' rassak ya ba », de l'autre, il est défroqué, castré, bâillonné, humilié et affamé jusqu'à la « colonisabilité » virtuelle. Cette minorité méprise le peuple, mais c'est malheureusement sa volonté qui, vaille que vaille, finit toujours par s'imposer brutalement sur le terrain. Les débâcles électorales répétitives, la crise née du coup de force de 1992, qui jusqu'au mois d'avril de l'année en cours était « la première violence infligée au peuple algérien » et ses catastrophes aux coûts faramineux, les désespoirs criés durant les manifestions dans nos villes à travers le pays, n'ont pas changé grand-chose à la philosophie imposée à notre pays. Le programme du président ? Il sera toujours bon pour la 3e mi-temps présidentielle qui promettra le 2e épisode des réformes, le 4e acte de la paix et de la réconciliation et un énième match de la violence pour justifier plus les fermetures et l'évacuation de l'alternance. La souveraineté du peuple ? Elle est délestée par les fraudes électorales, et dernièrement par l'acte d'autorité de dissolution des assemblées légales à la suite de négociations illégales. Les forces politiques ? Il en existe différentes catégories chez nous. Il y a celles qui disent rouler sous la caution du DRS, ce qui en soit n'est pas une révélation sauf que cette fois-ci elles s'assument publiquement. Elles ont le droit à l'existence illégale, et si elles manquent d'ancrage et glanent « zéro » crédibilité, elles disposent de locaux, de médias et de beaucoup de sous et de dessous. Il y a aussi des groupes asexués au racolage facile qui laissent dire qu'ils sont couvés par le gouvernement ou plutôt par son chef. Ceux-là, non seulement ils ont droit à l'existence illégale, mais ils apparaissent comme des micros décideurs. Ils ne sont jamais démentis quand ils se substituent à l'Exécutif. Les événements minés de leurres semblent leur donner raison, même s'ils n'arrivent pas à faire le plein dans une salle située pourtant sous le palais qu'ils squattent. Là quand même, on leur arrange plus de succès que dans leurs villages ou leurs archs. Ils sont plus associés aux décisions nationales que les parlementaires, puisqu'ils annoncent à ces derniers les projets de loi qu'ils auront à endosser et à applaudir. Les parlementaires entérineront les textes qu'on aura modifiés en fonction des besoins du moment. Sinon, on passera par-dessus les chambres. Les décrets se chargeront du strip-tease des textes et de leurs rhabillages. Il y a aussi les partis de la coalition présidentielle : le parti « majoritaire » s'agite, se redresse avec des redresseurs dressés, poursuivant, en élève docile, son rôle de lièvre pour le compte du parti minoritaire à qui tout semble réussir en se frottant ses « mains propres ». Quant aux forces autonomes, malgré leur rareté, on les brime, on les violente, on les emm..., on emprisonne ses cadres et, dernière trouvaille, on va jusqu'à vouloir piétiner l'acte de naissance de l'une d'entre elles née un certain 29 septembre 1963 ! L'art de la substitution des années de plomb refait surface avec plus d'arrogance. Chaque date historique témoin de la mémoire collective se trouve phagocytée par un événement banal glorifiant le chef du moment. La Kabylie ? Souffre-douleur des luttes au sommet du système, se prête moins au jeu de la violence depuis que les apprentis sorciers se sont dénudés au grand jour et mènent une vie bien arrosée dans des palaces de la capitale sous l'œil vigilant de leurs souteneurs. Elle se fait apparemment remplacer par les régions du Sud qu'on a délestées de leurs richesses et même de l'électricité, comme c'est le cas de Béchar El Djadid où les jeunes reproduisent des « Octobre » en miniature. Mais on ne sait pas encore si comme pour la Kabylie on avait prévu ces événements depuis deux ans, comme on ne sait pas si on nous le dira 3 ans plus tard, une fois arrêtée la liste définitive des morts et des blessés. Le peuple ? Colère à fleur de peau, récupérable et manipulable pour certains, les Algériens sont entraînés malgré eux vers la violence, alors qu'ils ne veulent qu'une vie digne dans un pays digne. Ils refusent la domestication et le chantage qu'on leur impose à l'image de la charte pour la paix. La paix des braves en attendant le « je vous ai compris » ? Or, les Algériens, comme le démontre l'histoire, refuseraient d'accepter même le paradis s'ils devaient y être remis ligotés, bouche cousue ! H. S. L. Membre du conseil national du FFS. Notes (*) (1) Historien et professeur émérite à l'université de Boston in « Nous, le peuple des Etats-Unis... ».