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Mohamed Chami. Président de la Commission technique de suivi de la mise en œuvre de la zone de libre-échange avec l'Union européenne « Il y a un sérieux problème d'information »
Installée récemment par le ministre du Commerce, Hachemi Djaâboub, la Commission technique de suivi de la mise en œuvre de la zone de libre-échange avec l'Union européenne (UE) a déjà entrepris son travail avec une première rencontre avec des opérateurs algériens issus du secteur agroalimentaire et agroindustriel. Son président, Mohamed Chami, également directeur général de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie, revient dans cet entretien sur les objectifs assignés à ladite commission. Peut-on connaître les raisons pour lesquelles une commission technique de suivi de la mise en œuvre de la zone de libre-échange avec l'Union européenne a été créée ? La commission de suivi de la mise en œuvre de l'accord de libre-échange a pour principale mission de recueillir les requêtes des entreprises algériennes dont les effets ou l'impact ont été ressentis de façon très négative sur leurs activités. Ceci ne peut se faire qu'à partir de la vulgarisation du contenu de l'accord d'association signé avec l'UE dans sa partie concernant la zone de libre-échange. En fait, il faut qu'on explique aux entreprises algériennes qu'elles ont la possibilité d'introduire une requête lorsqu'elles ressentent un impact négatif généré par la mise en œuvre de l'accord. Cette requête doit être présentée à la commission de suivi qui doit l'examiner pour étudier notamment sa recevabilité. A partir de là, tout un dossier doit être élaboré, car l'accord prévoit des mesures de sauvegarde des activités. Si, par exemple, la zone de libre-échange va avoir un effet désastreux sur certaines activités, nous avons toujours la possibilité de bloquer un produit. Mais il faut que cela se fasse sur la base d'arguments. Ce n'est pas parce qu'une activité est peu compétitive que la commission intervienne. Il faut arriver à administrer la preuve que telle ou telle activité risque d'être mise en péril du fait d'une concurrence déloyale provenant soit d'une subvention ou d'une mesure de dumping pratiquée dans l'UE. Théoriquement, nous pensons que la zone de libre-échange ne va pas nuire à beaucoup d'activités, pour la simple et bonne raison que les contingents sont limités et concernent très très peu de produits dont les droits de douanes sont très élevés. On considère que, du fait du coût de la main-d'œuvre algérienne, du coût de l'énergie et de tout ce que les négociateurs dans leur anticipation ont pris en considération, il n'y aura pas énormément d'effets négatifs sur l'activité des entreprises algériennes. Au contraire, il y a des effets positifs qui seront traduits par la possibilité ouverte aux exportations algériennes vers l'UE. Là aussi, nous avons des contingents qui nous permettent de placer des produits de l'autre côté de la Méditerranée en exonération des droits et taxes. Pourquoi a-t-on choisi la Chambre algérienne de commerce et d'industrie pour assurer cette mission ? Il faut savoir d'abord que la commission est composée des organisations patronales et des institutions (Chambre de l'agriculture, du commerce et de l'industrie). La Chambre de commerce a été choisie pour assurer cette mission parce qu'elle représente l'ensemble des opérateurs privés et publics et elle n'est en compétition avec personne. C'est un espace intermédiaire, de concertation et de dialogue. Je pense que c'est l'espace idoine pour ce genre de mission. La chambre convient un peu à tout le monde du fait qu'elle n'est pas tout à fait une administration, elle ne fait pas de syndicalisme puisque son travail est extrêmement technique, et assure également une logistique. Avez-vous déjà entrepris un travail d'information en direction des opérateurs économiques en vu de vulgariser l'entrée en vigueur de l'accord d'association ? Nous nous sommes préparés à cela avant même la mise en œuvre de l'accord. Nous avons organisé, le 29 juin dernier, une rencontre pour présenter l'accord, son entrée en vigueur, les effets qu'il peut avoir et cette possibilité qui est offerte aux entreprises de pouvoir se défendre grâce aux mesures de sauvegarde suivant les règles admises universellement. Ce sont des mesures et des procédures qui sont également pratiquées au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et ce sont les mêmes mécanismes que nous allons retrouver. Nous ne sommes pas rompus à cela, mais nous allons commencer à le faire. Il faut dire aussi que le ministère du Commerce a organisé des journées d'information sur l'ensemble du territoire national. Mais il faut dire que la mission principale de la commission n'est pas de vulgariser le contenu de l'accord. C'est plutôt la prise en charge des requêtes nées d'impacts négatifs ressentis par les entreprises. Avez-vous justement une idée de la nature des craintes exprimées par ces entreprises ? La commission a commencé réellement son travail lundi dernier par une rencontre avec des opérateurs du secteur agroindustriel. Les produits qui vont être examinés durant cette phase de départ sont des produits de l'agriculture ou du secteur de l'agroindustrie. Il convient de rappeler à ce propos qu'aujourd'hui le marché est plus ou moins ouvert. Nous avons remarqué à cet effet que bon nombre de produits issus de l'appareil de production nationale souffrent d'une concurrence déloyale à cause notamment du marché informel. Les produits de provenance européenne, quant à eux, posent beaucoup moins de problèmes à la production nationale que le reste. C'est la raison pour laquelle nous pensons que notre production nationale va mieux supporter l'ouverture parce que les prix des produits européens sont relativement élevés. En revanche, nous craignons les positions pour lesquelles les droits de douanes sont importants. Dans le cas du sucre, par exemple, les droits de douanes sont de 30%. Mais sur toute la liste, les produits dont les droits de douanes vont être exonérés tournaient autour de 5%. Ce pourcentage n'est pas très significatif et n'apparaît pas trop sur les prix, d'autant plus que nous avons un avantage comparatif certain, à savoir une main-d'œuvre pas chère et une énergie pas chère. Théoriquement, il n'y a aucune raison pour qu'on ne produise pas des produits pas chers. Il n'y a aucune comparaison avec les produits chinois, turcs, égyptiens ou d'autres pays qui ont des coûts à peu près similaires aux nôtres. Ce sont des produits qui viennent d'Europe, donc de qualité, mais dont les prix sont très élevés et qui ne sont pas de nature à poser des problèmes à la production nationale. Comment le travail de suivi va-t-il se faire concrètement sur le terrain ? En d'autres termes, avez-vous un pouvoir décisionnel pour bloquer un produit, par exemple ? Nous sommes une force de proposition. En réalité, nous allons constituer une sorte de filtre. Nous allons recevoir des requêtes. Il y aura celles qui seront fondées et pour lesquelles il est possible de faire quelque chose et celles qui seront totalement infondées. Pour les requêtes fondées, nous allons faire une proposition aux pouvoirs publics et nous allons devoir accompagner les entreprises dans le règlement de leur problème. Nous allons attirer l'attention des pouvoirs publics, pas en signalant le problème, mais plutôt en signalant le bien-fondé de la requête. Nous avons avec nous des professionnels, mais aussi des techniciens et des experts qui vont faire de l'accompagnement en expliquant aux entreprises comment élaborer les requêtes, quelles sont les démarches à entreprendre et les arguments à présenter pour mettre les pouvoirs publics dans une position qui leur permet d'aller jusqu'à prononcer une suspension provisoire des importations. Pensez-vous que nos opérateurs économiques ont bien assimilé le contenu de l'accord et les mesures qu'il prévoit dès son entrée en vigueur ? Alors là, pas du tout. C'est la confusion totale. Nous avons eu une première rencontre lundi dernier et nous avons remarqué qu'il y a un sérieux problème d'information et surtout de compréhension du contenu de l'accord. Les opérateurs ne le comprennent pas du tout de la même manière que les experts. C'est pourquoi nous devons engager une action spécifique d'explication et de mise à niveau en matière d'information de l'accord. L'information continue à faire défaut et je pense que dans les jours à venir nous allons devoir nous y atteler sérieusement. L. M.