Hydroéquipement est une entreprise nationale qui commercialise et installe des équipements hydroélectriques notamment dans l'extrême nord-est du pays. Deux représentants des travailleurs de son unité régionale d'Annaba sont au cœur d'une cabale bien orchestrée depuis qu'ils ont adressé en toute légitimité à leur président-directeur général à Alger un rapport très critique sur la gestion de leur unité. Depuis cet envoi en juillet 2004, ils font face à une avalanche de provocations faite d'intimidations et de menaces de sanction allant jusqu'à l'exclusion. On a été jusqu'à ne plus reconnaître leur statut de représentants alors qu'ils bénéficient toujours du soutien de leur base. Une lecture biaisée de la réglementation et l'usage de l'arbitraire ont fini par les priver de l'exercice de leur mandat pour le prétexte d'une plainte en justice pour propos injurieux. Curieusement, les deux délégués n'ont jamais eu affaire directement à la partie qu'ils ont mise en cause, c'est-à-dire l'administration. C'est le comité de participation de l'entreprise où ils siègent et la section syndicale de l'UGTA d'El Hadjar (Annaba) qui ont pris le relais des patrons. Dans leur rapport de juillet 2004, les deux délégués du personnel informent le premier responsable de l'entreprise que leur unité, qui se portait parfaitement bien, est passée de 140% de taux de réalisation en 2002 à 71% en 2004. Ils soulignent encore que la tendance se creuse dangereusement pour cette unité qui en 15 ans n'est jamais descendue en dessous de la barre de 110%. Ces mises en garde se sont confirmées par la suite et ont été confortées ultérieurement par des constatations du conseil de participation. Les causes énumérées sont nombreuses, mais elles ont pour dénominateur commun la désignation, directement par le PDG, au poste de directeur du département technique et commercial de UR Annaba, de M. Bouhbila, ancien président du comité de participation de l'entreprise, agent sans qualification particulière. Ceci après lui avoir ouvert la voie en poussant préalablement vers la sortie des cadres qualifiés et compétents. Une nomination qui est également à l'origine de la démission de l'ancien directeur de l'UR Annaba, M. Kadri, artisan de sa bonne santé, à cause, nous a-t-il déclaré, des relations privilégiées entre le PDG et l'ex-président du conseil de participation et qui faisait de lui une potiche utile seulement à contresigner des documents avec son subalterne et où il a eu à constater de graves écarts aux règles élémentaires de la bonne gestion. « C'est inexact, nous déclare l'actuel directeur d'unité, M. Khorief. L'ancien président du conseil de participation, M. Bouhbila, est revenu à son poste d'origine au terme de son mandat au conseil de participation et c'est mon prédécesseur qui s'en plaint qui l'a aussi nommé ». Pourtant, les documents de nomination en notre possession sont, eux, paraphés par le PDG. Autre grief, la centralisation de la gestion, en particulier celle des recettes de l'unité et celle des achats. Ce qui a considérablement réduit la marge de manœuvre de l'UR Annaba et lui a fait perdre ses clients traditionnels, disent encore les travailleurs. Maintenant, c'est la direction générale qui, loin des chantiers et des clients, décide du choix des équipements appropriés et bien entendu des fournisseurs. « C'est une mesure imposée par la SGP ERGTHY », nous déclare l'intérimaire du PDG, Djamel Khalfi, en ajoutant que l'entreprise ne pouvait que s'y conformer. Le black-out de la direction générale face à la situation signalée par les syndicalistes va les amener à relancer plusieurs fois le patron de Hydroéquipement. Toujours rien. Ce mutisme est naturellement assimilé à de la complicité et ils demandent que soit menée une expertise indépendante qui confirmerait leurs constats. Mais au lieu de recevoir une réponse convaincante, c'est un déluge de problèmes qui va s'abattre sur les deux empêcheurs de tourner en rond. En février dernier, le conseil de participation est expressément activé. Il prend note de la régression de l'entreprise, notamment celle de l'unité d'Annaba qui assure le plus gros des recettes de la boîte, mais ce qui est au centre des discussions c'est la mise en place d'une commission de discipline pour traduire les deux représentants récalcitrants de Annaba. Et attendant le texte et son application, une mesure conservatoire du président les prive de l'exercice de leur mandat délivré par les travailleurs. « Je n'ai aucun commentaire à faire sur ce sujet puisque les délégués ont porté plainte et que l'affaire est en justice », nous déclare, de Djelfa, M. Guerch, le président du conseil de participation, à qui nous demandions si c'est dans ses prérogatives et celles du conseil de participation de suspendre des membres élus par leurs pairs et de les traduire devant une commission de discipline. A la SGP, qui se défend d'exercer une tutelle quelconque sur l'entreprise, l'avis qui nous est donné est que le rôle du conseil de participation est surtout de se prononcer sur les représentants au conseil d'administration. Il ne lui appartient pas de remettre en question la représentation des travailleurs, encore moins de prononcer des sanctions à son encontre. Mais les délégués de Annaba, Djoudi et Benyahia, soutenus par leur base, font de la résistance. Pour pallier cet obstacle, on fait alors appel à la section locale de l'UGTA d'El Hadjar pour isoler les deux gêneurs de leur base. Les deux délégués ont pu produire la correspondance par laquelle est prouvée la relation directe établie pour l'occasion entre le conseil de participation d'Hydroéquipement à Alger et la section UGTA d'El Hadjar. Ils produisent également des pièces qui prouvent que des membres de cette section, censée défendre les droits des travailleurs, prennent leur carburant à l'unité d'Annaba et bénéficient de petits profits. Qu'à cela ne tienne ! Il fallait trouver coûte que coûte le prétexte pour s'en débarrasser : des mots durs échangés entre l'un des deux syndicalistes et le secrétaire général de la section UGTA d'El Hadjar vont donner l'occasion à ce dernier de porter plainte et de justifier ainsi une suspension du mandat de délégué des travailleurs. Le PDG intérimaire, M. Khalfi, insiste pour préciser que cette affaire ne concerne en rien l'administration, que ce soit la DG ou la DU d'Annaba. « C'est une affaire entre représentants du personnel qui vident leurs contentieux par les moyens de l'entreprise. Nous avons tenté de rapprocher les points de vue et de mettre fin aux conflits, sans succès. » Mais alors, avons-nous demandé, pour quels motifs ils ont été traduits une première fois devant la commission de discipline de l'UR Annaba et sanctionnés ? Pourquoi encore ils sont destinataires de lettres et questionnaires du DU qui leur intime l'ordre de ne pas « semer la zizanie chez les travailleurs » ? Difficile de croire à cette distanciation prêchée par le PDG, elle cache nécessairement une mainmise totale et totalitaire qui cadre mieux avec les mœurs de nos responsables. Une question reste toutefois en suspens : pourquoi le PDG n'a jamais répondu à la lettre des délégués ? Cela aurait été plus simple et aurait pu éviter des tas de malentendus. Mais le pouvait-il sans mouiller de précieux collaborateurs ? « C'est effectivement dans les mœurs des dirigeants de l'entreprise de faire le dos rond, de couper la communication, de laisser passer la vague et ensuite de passer à l'offensive par une machiavélique et sournoise campagne de représailles par personnes interposées », nous déclare un cadre dirigeant de l'entreprise qui nous a appris que les témoins d'une agression sexuelle à la DG à Alger ont subi le même sort après que les protagonistes aient pris toutes les précautions pour se sortir du pétrin. Mais cela est une autre affaire.