Parmi tous les moyens de transport en commun circulant sur le territoire de la wilaya de Constantine, les bus de marque Tata détiennent depuis toujours une sinistre réputation. Introduits durant l'année 1984 pour servir dans la régie communale, ils seront abandonnés peu de temps après pour être récupérés par les transporteurs privés quelques mois après la libéralisation du secteur des transports, non sans avoir subi les modifications suivant un système D typiquement algérien. Réputés pour leur robustesse, ces engins équipés d'un moteur Mercedes, échappant souvent à tout contrôle, seront les véhicules de tous les risques. Polluants et bruyants, la plupart de ces bus s'illustrent durant des années dans une série continue d'incidents, dont certains coûteront la vie à des citoyens innocents. Les faits relatés presque quotidiennement par la presse, et qui se sont multipliés ces derniers temps à une cadence infernale, alimentent désormais la chronique locale. Dans certains lieux, les accidents provoqués par les bus Tata n'ont pas eu lieu sans susciter la colère des habitants. Les exemples ne manquent pas. On retiendra surtout l'accident survenu le 11 septembre 2003, où un bus Tata a défoncé le mur d'une mosquée à la cité Daksi. Bilan : 1 mort et 11 blessés. Le 18 octobre 2003, deux jeunes âgés de 18 ans ont été écrasés alors qu'ils étaient à motocyclette par un bus Tata en furie dans le quartier de Smiha, non loin de l'avenue Kitouni Abdelmalek. Dans un mouvement de colère, le riverains ont interdit l'accès à ces bus durant une quinzaine de jours marqués par des confrontations violentes avec les conducteurs. Ces derniers, dont la plupart sont connus pour leur comportement agressif et nonchalant, continueront, en l'absence d'une action dissuasive de la part des autorités, de semer la terreur sur la route et de prendre leurs passagers pour des otages. Alors qu'une réaction de la part des autorités a toujours tardé à venir, un autre drame survint dans la matinée du 27 juin 2004, où, suite à une manœuvre de dépassement dangereux, le conducteur d'un bus Tata roulant à vive allure a perdu le contrôle de l'engin au moment où deux fillettes traversaient la chaussée non loin de la mosquée Omar Ibn Abdelaziz, près de la cité des Frères Abbès. La première fillette violemment percutée est morte sur le coup, alors que la seconde, grièvement blessée, a été transportée au CHU de Constantine. L'accident a provoqué la colère des habitants de la cité qui ont bloqué la route durant des heures. Refusant dans la plupart des cas de se soumettre aux épreuves du contrôle technique de véhicules, ces engins ont été à l'origine d'une série noire d'accidents durant l'année en cours. Les cas des bus Tata, qui perdent leur système de freinage pour défoncer les murs des écoles et des mosquées dans les cités de Djebel Ouahch, Sidi Mabrouk, Daksi et Zouaghi, laissant des dizaines de blessés, risquent d'être banalisés. Recensant environ 70 engins en service sur les lignes urbaines de la ville de Constantine, les autorités de la wilaya et les services de la direction des transports, qui continuent de faire dans la politique de l'autruche, se sont déclarés impuissants en dépit des pertes humaines et des dégâts occasionnés à l'environnement par ces épaves d'un autre âge. Certains élus ont même avancé des raisons peu convaincantes, prétextant que ces conducteurs ont toujours menacé de recourir à la manière forte pour paralyser le mouvement des transports dans la ville. Or, la vérité que les élus n'osent pas révéler est que ces bus sont, dans leur majorité, tenus par des moudjahidine et des enfants de chouhada affiliés à la puissante Association des transporteurs privés. Celle-là même qui a osé défier un jour l'autorité de la wilaya et de l'APW dans une lettre de forte consonance en refusant d'évacuer la station de bus Kerkri située en plein centre-ville et qui devait faire l'objet de travaux de rénovation. Les observateurs avertis comprendront bien qui fait la loi dans le secteur des transports à Constantine.