Si dans la société algérienne un mou consensus s'est durablement installé, notamment sur le libéralisme à caractère social et l'autocratie éclairée, enveloppés dans un conservatisme culturel (le fameux « hada ouala ktar », Bouteflika étant le moins pire et l'Algérie pas si mauvaise que ça), il est remarquable qu'au sommet, rien de fondamental n'a changé dans l'appréciation de la foule par ses dirigeants. Dans la charte proposée sur la paix, il est encore question de « peuple », ce terme stalinien qui induit que les Algériens sont un bloc indivisible, même si, faussement ressemblants, chacun se retrouve sur les valeurs calibrées comme le plus petit dénominateur commun. Il a pourtant fallu passer par les années 1970 et l'assassinat des opposants pour s'apercevoir que ce « peuple » est divisible au moins par deux. Il a fallu passer les années 1980 pour comprendre que ce « peuple » était encore divisible par 100, autant de partis politiques ou de journaux, même si la majorité s'est retrouvée embarquée dans trois ou quatre structures d'opinion. Il a fallu attendre les années 1990 pour réaliser que ce même « peuple » était divisible par deux avec 150 000 morts d'un côté, et enfin, les années 2000 pour voir que les Algériens sont au moins divisibles par trois, en Mobilis, Djezzy et Nedjma. Pourtant, dans la charte proposée, il est à noter qu'il n'est nullement question d'individus mais encore de collectif homogène. Ainsi, n'est pas amnistiable « tout viol, tout crime collectif et attentat perpétré dans les lieux publics ». De fait, l'attentat individuel est amnistié. Tous ceux qui ont tué une seule personne en une seule balle ou un seul coup de couteau sont pardonnés puisqu'ils n'ont pas touché le collectif mais l'élément du collectif. L'individu ? Encore une notion occidentale incompatible. C'est du moins l'avis officiel.