L'histoire de l'homme à La Question s'est toujours confondue avec celle de l'Algérie. « Je n'ai commencé réellement ma vie d'homme, et ma vie intellectuelle et politique qu'à mon arrivée en Algérie en 1939. J'avais 18 ans et j'étais très passionné par la découverte du monde, avec des idées de gauche, entre guillemets un peu anarchisantes », explique Henri Alleg. Dans son dernier livre Mémoires algériennes, éditions Stock, il revient sur son engagement pour l'indépendance de l'Algérie, sur les relations schizophréniques entre le Parti communiste algérien (PCA) et le FLN, et surtout, évidemment, sur la torture et des exécutions sommaires. « L'homme d'honneur, quelles que soient les circonstances, quel que soit l'habit qu'il porte, militaire ou civil, agit en homme de conscience », a tranché Henri Alleg, au procès du général Aussaresses. Il sait de quoi il parle. « Je suis tombé entre les mains d'Aussaresses puisque c'est lui qui dirigeait le service action sous les ordres de Massu. Il était le patron des centres de torture. » Un mois de torture, de sévices moraux et physiques. Il avait payé très cher son engagement. Il est entré en clandestinité en juin 1956 et a été arrêté en juillet 1957. Sa position est « La » réponse face à l'injustice. Entre sa mère et la justice, et dans l'obligation de choisir, on peut opter (on doit, serait plus juste) pour la justice avec la conscience tranquille. A l'époque, Albert Camus signait des articles dans les pages d'Alger Républicain, « journal des Arabes » ou « Le petit mendiant ». Puis vint l'indépendance. Avec tous les rêves à portée de main, avec ses utopies. Et, très vite, ses désillusions et ses cauchemars. Et déjà les compromissions. « Après l'indépendance, il y avait cette idée qu'en Algérie il y aurait un parti unique, et que, par conséquent, toute la presse devait lui être soumise. L'attitude étroite de certains dirigeants du FLN s'est manifestée à l'égard de ce que l'Algérie pouvait être avec diverses cultures, mêmes minoritaires, et des populations qui n'étaient pas forcément de religion musulmane ». Pourtant, Henri Alleg n'a jamais désespéré. Il continue d'être optimiste. C'est peut-être cela « La réponse ». Continuer à se battre pour une Algérie fraternelle, tolérante. Où chacun aura sa place.