La majorité des 400 travailleurs de l'Entreprise nationale d'approvisionnement et production électronique et électroménager (ENAPEM) s'est mise à la mendicité pour survivre. D'autres ont été contraints de fuir le logis familial pour ne pas avoir à répondre à la demande d'acquisition d'effets vestimentaires, livres et articles scolaires de leurs enfants scolarisés. Il y a ceux, comme à l'unité de Annaba, qui menacent de se suicider collectivement. Eu égard à l'absence d'une quelconque ressource, le Ramadhan et l'Aïd El Fitr qui s'annoncent sont pour tous ces travailleurs synonymes d'accentuation de leur misère. Ils n'ont pas encore sorti des greniers revendicatifs les vieilles banderoles décolérées par les dernières années de libéralisation de l'économie, de privatisation, de dissolution des entreprises publiques et des licenciements des travailleurs. Au moment où se multiplient les sorties des personnalités au plus haut niveau de l'Etat pour sensibiliser les foules sur le projet de charte pour la paix et la réconciliation, ces travailleurs sont arrivés à la conclusion que la partie qu'on leur a imposé de jouer est truquée. Ils ont également constaté qu'on les avait fait marcher durant 9 mois sans percevoir un seul centime de leur salaire. Contraints et forcés par la vision quotidienne de leurs enfants affamés et en guenilles, ils tentent de faire entendre leur voix. D'Oran à Annaba en passant par Alger où sont implantées les unités de production et commerciales hier performantes aujourd'hui habitées par les toiles d'araignée, ils ont habillé bureaux et ateliers de banderoles appelant au partenariat, à la location du patrimoine foncier et immobilier de l'entreprise et à la cession d'actifs aux travailleurs. Ils ont également interpellé leur direction générale à l'effet de mettre en place d'une cellule de crise pour le recouvrement des créances et le suivi des contentieux. « Quel référendum, quel vote et de quel Président veut-on nous parler au moment où nous n'arrivons pas à rentrer chez nous avec une croûte de pain ? Nos enfants ont faim. Beaucoup n'ont pas pu se présenter à la rentrée scolaire parce que, sans salaire depuis neuf mois, leurs parents sont dans l'impossibilité de leur acheter ce dont ils ont besoin pour leur scolarité. Le comble est que notre situation ne nous permet même pas de prétendre aux 2000 DA d'aide scolaire. Saisi, Sidi Saïd, le secrétaire général de l'UGTA, n'a pas réagi. Loin de la défense des intérêts des travailleurs, il préfère défendre ceux des hommes au pouvoir », a déclaré Abdelkader F., cadre syndicaliste à l'unité de Annaba. Après avoir usé de toutes les voies de recours et consultation de la structure compétente du ministère du Travail, les travailleurs de l'ENAPEM ont décidé de poursuivre en justice leur employeur. A ce dernier, ils reprochent le non-respect des clauses du contrat de travail. Parallèlement, ils envisagent d'alerter l'opinion publique et les plus hautes instances sur leur désarroi, souffrance et leur inquiétude. Même s'ils savent que l'enjeu réel du moment est le référendum parrainé par Abdelaziz Bouteflika, les 400 travailleurs ont affirmé ne pas attendre pour réagir l'échéance de ce rendez-vous national en ayant quotidiennement sous les yeux leurs enfants aux entrailles tenaillées par la faim.