Informés par voie de presse concernant le changement de la nature juridique de l'Agence nationale d'archéologie et de la protection des sites et monuments historiques (Anapsmh), dont le siège est situé à la Basse Casbah, les cadres et les employés de ladite agence, abordés, ont manifesté une vive inquiétude. Ce sentiment paraît bien nourri, d'autant plus que le devenir professionnel demeure la préoccupation majeure de nos interlocuteurs. D'après les mêmes agents, le communiqué de presse fait part d'un décret exécutif présenté par le ministre de la Culture au conseil du gouvernement en date du 15 juin 2005. Outre le changement de la nature juridique de l'agence susmentionnée, le document évoque une nouvelle dénomination, à savoir l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés (Ogebec). Dûment créée, cette structure sera dotée, selon le même communiqué, du statut d'une Epic qui « lui confère davantage de souplesse dans sa mission de gestion et d'exploitation des biens culturels, ainsi que de maintenance et de gardiennage des différentes catégories de biens culturels relevant de sa compétence », lit-on dans ce communiqué. Néanmoins, suivant les dires des mêmes interlocuteurs, la manière laconique adoptée pour diffuser l'information a laissé entendre plusieurs ambiguïtés. « Nous demandons plus d'informations, car au moment où nous nous attendions à une restructuration susceptible d'élargir les prérogatives de l'agence, on nous annonce la création d'une Epic qui est contraire à la vocation même de notre institution. En conséquence, nous ignorons tout à fait les principaux objectifs de la tutelle », a déclaré un cadre relevant de l'agence précitée. Bien que le personnel de cet organisme soit, selon les mêmes déclarations, constitué en partie d'éléments contractuels et de vacataires, il n'en demeure pas moins que ceux-ci ont acquis une certaine expérience dans le domaine de la restauration et de la préservation des biens archéologiques. En effet, la recherche, la restauration et la conservation constituent les principales activités de cette agence nationale. Celle-ci totalise un effectif global estimé à 600 employés. Elle gère également 15 circonscriptions archéologiques et 27 musées de sites historiques à travers le territoire national. La circonscription archéologique d'Alger emploie, à elle seule, 204 personnes, toutes catégories confondues. Toutefois, nos interlocuteurs étalent leurs arguments en élucidant certaines velléités : « En établissant une comparaison, l'on constate que la mission du nouvel office est la gestion des biens protégés. Or, celle qui est confiée à l'agence nationale consiste à protéger tout le patrimoine. On n'attend pas que le bien soit classé pour le préserver. Cela suppose encore que les biens enfouis sous terre ainsi que le patrimoine sub-aquatique demeurent ignorés à jamais », a remarqué un chercheur. Ce dernier a procédé par déduction pour aboutir enfin au constat suivant : « Du moment qu'ils ne sont pas répertoriés, des maisons Fahs datant du XVIIe siècle, situées à El Biar, à Birkhadem et à Tixeraïne, ont disparu au même titre que certaines fontaines et autres vestiges », a-t-il renchérit. Et d'ajouter en s'interrogeant : « L'idée de promouvoir un office pour dissoudre l'agence nationale d'archéologie ne favorise-t-elle pas les usurpateurs d'éterniser leur mainmise sur les biens relevant du patrimoine national ? » Pour sa part, M. Betrouni, directeur du patrimoine national au niveau du ministère de la Culture, est favorable à la création d'un office de gestion du patrimoine. « L'office avec son statut d'Epic engendrera sans doute une situation propice. Outre l'apport financier, les nouvelles mentalités permettront la rupture avec l'ancien mode de gestion, et par conséquent, favoriser l'accès du citoyen à son patrimoine », a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Mais ce qui est prioritaire pour le moment, c'est d'intégrer toute l'action envisagée dans un centre de recherche qui mettra en œuvre un programme national de recherche. » Il y a lieu de remarquer que l'intervention du directeur du patrimoine rejoint quelque peu la synthèse de S. Lancel, spécialiste en histoire et en archéologie de l'Afrique du Nord. Dans son ouvrage L'Algérie antique, préfacé par M. Mounir Bouchenaki, sous-directeur chargé de la culture auprès de l'Unesco, l'auteur regrette « le manque de recherche en archéologie ». Mais, il garde son optimisme en apprenant l'émergence de jeunes archéologues formés aux USA, en France et en Italie. En dehors de toute considération subjective, cette nouvelle génération armée d'un savoir-faire et d'une bonne volonté, parviendra-t-elle à dégager la recherche archéologique de sa léthargie ?