La place Matoub Lounès, à l'entrée est de la ville, a totalement changé. Dans le terre-plein, des fleurs de toutes sortes ont remplacé la pelouse asséchée. L'itinéraire que devrait emprunter le cortège présidentiel a reçu un toilettage particulier : ravalement des façades des immeubles, bitumage des chaussées et même des trottoirs. La commission technique qui prépare la visite du Président Bouteflika travaille sans relâche, nous a confié dernièrement Abderahmane Madani Fouatih, qui assure l'intérim du secrétariat général de wilaya. Le Tizi Ouzéen est convaincu que toutes ces plantes (fleurs et arbrisseaux) ne survivront pas au lendemain de la visite présidentielle. Les responsables locaux n'auront pas grand-chose à présenter lors de cette visite. La région subit le contrecoup du mépris des pouvoirs publics vis-à-vis de son développement et reçoit des sanctions pour son caractère frondeur. Quasiment, tous les projets, qu'aura à visiter M. Bouteflika, ont été lancés il y a plus de dix ans. La mise en eau du barrage de Taksebt a été effectuée le 1er novembre 2001. Plus de 130 millions de mètres cubes d'eau sont emmagasinés et attendent l'achèvement du chantier de transfert lancé récemment. La rocade sud, cette route d'évitement du centre-ville de 12 km, lancée dans les années 1980, ne sera pas livrée dans son intégralité. Au lieudit Tazmalt El Kef, il n' y a pas de bretelle. Autrement dit, deux autoroutes vont se croiser comme un banal carrefour urbain, dans un endroit de surcroît appelé « le couloir de la mort » à cause des nombreux accidents qui se produisent fréquemment. La raison de cette situation est toute simple ; un îlot de maisons se trouve sur le tracé de la bretelle. Trente familles attendent leur relogement depuis des années, en dépit de leurs démarches. Le projet a été relancé en 2002. Ce qui n'a pas été fait en trois ans, a été achevé en quelques semaines. Inexplicable dynamisme des autorités locales qui tentent de renvoyer de fausses images d'une wilaya gangrenée par une léthargie séculaire. Le Président Bouteflika fera une escale au chantier de la voie ferrée qui traîne en longueur, prévue pour faire un lien avec la fantomatique « zone industrielle ». L'on se demande ce que va annoncer le président de la République à une Kabylie économiquement exsangue. Ces dernières années, les entreprises dissoutes dans les wilayas de Tizi Ouzou, de Bouira et de Boumerdès ont atteint un chiffre renversant. Un total de 64 entreprises économiques locales, 75 entreprises publiques économiques et 17 entreprises privées ont emprunté la voie de garage. Et ce sont des milliers d'emplois perdus. Les opérateurs économiques de la région n'ont pas cessé de dénoncer l'inertie de l'administration locale et les multiples blocages bureaucratiques. Selon les chiffres livrés récemment par la CNAC, la moitié de la population subsiste grâce aux ressources générées par l'émigration. En matière de logements, les besoins sont estimés à 40 000 unités. C'est exactement le nombre de logements promis par Ahmed Ouyahia, dernièrement à Tizi Ouzou, lors d'un meeting. Sur le même sujet, un cadre de la direction de l'habitat a déclaré : « Nous ne doutons pas de l'enveloppe financière que l'Etat est capable de dégager pour réaliser ces logements, mais nous n'avons pas où les mettre. Tizi Ouzou n'a pas d'assiettes foncières. » En dehors du chef-lieu de wilaya, des chantiers connaissent un immense retard. Les travaux d'élargissement de la route qui relie Ouadhias-Béni Douala-Tizi Ouzou connaissent un ralentissement dommageable aux automobilistes qui empruntent cet axe routier. D'énormes amas de terre sont abandonnés sur la chaussée. Le projet d'AEP qui devrait alimenter les 60 000 habitants de L'arba N'ath Irathen par un forage à Takhoukht est également à l'arrêt. Le port d'Azeffoun est aussi l'image d'une infrastructure dont la dimension économique se réduit au fil des mois. A la moindre tempête, l'aire où s'amarrent les bateaux se vident de son eau et les embarcations touchent le fond. La détresse des pêcheurs est aussi évidente que celle de la population de Kabylie qui réclame « un plan Marshall » de développement.