Les principaux acteurs politiques les mieux implantés en Kabylie ont vivement critiqué la visite effectuée, avant-hier à Tizi Ouzou, par le président de la République. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), par la voix de son chargé de communication, Mohamed Khendak, a qualifié la « sortie kabyle » du Président de « visite-provocation » et de « visite-mascarade ». Le chef de l'Etat, selon le parti de Saïd Sadi, « est parti à Tizi Ouzou en vrai prédateur ». « Pour réussir son meeting, il a mobilisé l'argent du contribuable et tous les moyens de l'Etat, mais cela n'a pas eu pour autant l'effet escompté par le pouvoir », a-t-il ajouté. Pour notre interlocuteur, cette visite ainsi que le scrutin partiel programmé en Kabylie sont deux fragments du même scénario. « Ces deux faits sont la première application d'une charte qui consacre le pouvoir absolu », a-t-il expliqué. « Le RCD savait qu'aucune décision politique n'allait être annoncée, ce qui démontre que le pouvoir, une fois de plus, est incapable de trouver une solution politique à même de faire sortir l'Algérie de l'ornière », a-t-il estimé. De son côté, Karim Tabbou, secrétaire national à la communication du Front des forces socialistes, a estimé que « l'Algérie assiste à une démarche construite sur des mensonges ». Pour preuve, a-t-il expliqué, « le chef de l'Etat, qui prétend promouvoir la réconciliation nationale, importe des populations des autres régions pour assister à un meeting organisé à Tizi Ouzou. C'est un mépris inqualifiable à l'égard de la population de Kabylie ». Le plus vieux parti d'opposition a relevé, par ailleurs, « d'autres dérives ». M. Tabbou a évoqué en ce sens « le cas des citoyens, travailleurs, fonctionnaires et transporteurs privés qui ont été contraints de venir applaudir sous peine de représailles ». Tout comme le RCD, le FFS a dénoncé « la mobilisation et l'utilisation des moyens de l'Etat à l'effet de corrompre la population de Kabylie ». Sur le plan du discours, M. Tabbou dira encore que « le chef de l'Etat continue de verser dans sa vision raciste à l'égard de la Kabylie ». Pour étayer ses dires, il citera deux faits importants à ses yeux. « Déclarer à la population concernant la question amazighe que si elle avait été soumise à référendum, elle aurait été rejetée par le peuple est un discours diviseur, raciste et dangereux, et évoquer les symboles de cette région en occultant délibérément la personne de Abane Ramdane est une énième provocation à l'égard de la Wilaya III historique. Cela dévoile sa haine intériorisée qu'il traîne depuis la Révolution », a-t-il tempêté. M. Tabbou trouve que le FFS a été indirectement attaqué par le Président dans le discours qu'il a prononcé à Tizi Ouzou. « En déclarant que la Kabylie a accumulé un retard énorme en matière de développement local, il a incriminé le FFS », a-t-il affirmé. « Cela démontre, a-t-il ajouté, l'utilisation des biens de l'Etat comme moyens de chantage contre la population de cette région, et l'objectif de ce chantage est de suggérer à la population un soutien en contrepartie de récompenses sous forme de budgets ». Plus loin, le parti de Hocine Aït Ahmed a lancé un défi au chef de l'Etat pour ouvrir les médias lourds aux débats contradictoires. Le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) de Ferhat Mhenni, dans son communiqué publié hier par notre confrère Liberté, a noté que « Bouteflika s'est rendu à Tizi Ouzou, davantage par provocation et esprit de revanche que par souci d'acquérir l'adhésion de la Kabylie à la charte du 29 septembre 2005 (...) C'est en donneur de leçons et en père fouettard qu'il s'est présenté devant une assistance soumise au chantage à l'emploi par l'Etat-patron ». Le patron du MAK n'a, par ailleurs, pas omis de souligner le fait que Bouteflika « n'a eu aucun mot pour les victimes du printemps noir dont il porte la responsabilité morale, aucune expression de contrition dans son discours par rapport aux crimes du pouvoir dans la région ».