Après la dissolution des assemblées locales en Kabylie, les forces politiques en présence se mobilisent pour mieux appréhender l'échéance des élections partielles. Gros plan politique sur la région. L'activité politique partisane connaît un regain d'intérêt à Tizi Ouzou. Un redéploiement intra muros il est vrai. Au niveau des sièges des partis politiques, on bat le rappel des troupes sans tambour, ni trompette. À l'exception du FFS qui, lui, investit le terrain de la protesta pour dénoncer “le coup de force juridique”, les états-majors régionaux des formations politiques impriment un dynamisme particulier à leurs sièges respectifs. Au siège du bureau régional du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), c'est le branle-bas de combat. “Le principe de la participation aux partielles a été arrêté par le conseil national”, nous informe d'emblée M. Boudiaf, qui a pris le soin d'énumérer les motivations d'une telle décision. “Ainsi les rencontres de proximité, que le RCD a initiées depuis maintenant une année, participent de ce souci d'être à l'écoute des citoyens, et le meilleur moyen de prendre en charge les problèmes de la population, c'est de postuler à la gestion des institutions locales”, explique M. Boudiaf, dont la formation politique “refuse de laisser le terrain vide aux partis du pouvoir et à la délinquance structurée en relais politique du même pouvoir pour accaparer les assemblées locales”. Comme en 1990, le RCD, qui avait protégé la région de l'envahissement “fissiste”, empêchera les néo-prophètes préfabriqués de prendre en otage la Kabylie, avertit le responsable du RCD. Le MDS (Mouvement démocratique et social) semble se préparer lui aussi au prochain rendez-vous électoral, même si le fédéral Hamid Ferhi veut nuancer son propos : “Ce n'est pas encore tranché, il y a un débat sur la question ; mais nous avons alerté les militants à se préparer d'ores et déjà sur le terrain.” C'est à vrai dire la quintessence du message qu'a envoyé feu Hachemi Chérif au précongrès du mouvement organisé à Alger. “Il faut nous préparer à participer aux futures élections avec comme philosophie la poursuite de la conquête difficile de la société et un début d'investissement des institutions de la République”, avait écrit le leader du MDS dans son message à ses camarades congressistes. Si le mandat est ainsi écourté, cela ne devrait pas poser de problème, selon M. Ferhi, à condition, bien sûr, que cela prépare le pays à une solution globale de la crise. C'est-à-dire, ajoute M. Ferhi, un pas vers un Etat démocratique, social et laïque. Arezki Yayiche, président du bureau de wilaya du Parti des travailleurs (PT), confirme la participation aux locales. “Pour nous, c'est une tribune pour être aux côtés des citoyens et des travailleurs. Nous allons mener campagne pour le rétablissement de la paix dans la région”, déclare notre interlocuteur, en précisant que son parti est déjà au stade de l'établissement des listes électorales. À l'UDR, l'Union pour la démocratie et la République, on se dit partant pour les partielles. Comment ? “Tout ce qui peut contribuer à la stabilité de la région, on est partant”, avance le fédéral Farid Djenane, pour qui le rendez-vous des partielles constitue un début de solution pour asseoir les jalons d'une stabilité durable. Le parti de Amara Benyounès participera-t-il en tant que tel même s'il n'a pas d'agrément ou va-t-il parrainer des listes d'indépendants ? Réponse de M. Djenane : “Nous allons participer avec notre identité, et le problème d'agrément ne devrait pas se poser en principe.” Autrement dit, il y aura des listes UDR lors de ces partielles auxquelles le parti préfère des élections générales et nationales. Même topo au RND qui travaille à élargir sa base en Kabylie. Le coordinateur de wilaya, Tayeb Mokadem, veut la stabilité de la région ; c'est pourquoi son parti a décidé de participer aux joutes électorales, dont on ignore encore la date de la tenue. “On ira aux élections sans alliances, et notre parti va s'impliquer dans la gestion des affaires publiques pour ramener la paix et la stabilité, condition sine qua non de toute relance économique”, promet le député du RND issu des législatives de 2002. Même si le parti d'Ouyahia exclut toute idée de listes communes dans le cadre de l'alliance présidentielle, le représentant du MSP, Mohamed Mazouni, soutient le contraire, reprenant à son compte ce qu'a déclaré Abou Djerra Soltani à l'université d'été de son parti : “Nous avons retenu le principe d'y prendre part. Quant aux alliances, elles peuvent intervenir aussi bien avant le scrutin qu'après l'élection.” Le parti islamiste veut visiblement améliorer son faible score de 2002, où il avait obtenu seulement deux sièges à l'APC de Draâ Ben Khedda. Pour ce faire, le bureau de wilaya de Tizi Ouzou organise depuis jeudi dernier une université d'été à Dellys. Il y sera question de vote, de listes électorales et tutti quanti. “Pour nous qui refusons la politique de la chaise vide, les partielles sont un moyen de régler les résidus de la crise, c'est pour cela qu'on participe”, dira pour sa part Ali Seddiki, membre du comité exécutif du FLN, chargé de superviser la restructuration organique de l'ex-parti unique dans la wilaya de Tizi Ouzou. “Nous allons montrer que nos élus sont véritablement représentatifs”, assène M. Seddiki un tantinet contrarié par la dissolution des assemblées élues. Contrarié, le FFS l'est véritablement. Son premier secrétaire fédéral de Tizi Ouzou ne mâche pas ses mots. “Le débat sur les élections n'est pas ouvert. Le FFS mène un combat sur le terrain contre le piétinement de la volonté populaire car, pour nous, dissoudre des APC qui fonctionnent normalement est un acte arbitraire”, dénonce Rabah Brahimi. Pour ce dernier, la pratique démocratique est en danger dès lors que le sens du vote est perverti par le pouvoir qui, par un bricolage juridique, rend les assemblées locales vulnérables et sans prérogatives puisque tout le temps sous la menace d'une dissolution. “Nous sommes au stade de la protesta, mais nous savons que le pouvoir, qui travaille à la dislocation politique et sociale de la Kabylie, prépare sa clientèle pour accaparer les collectivités locales”, note-t-il avant de tonner : “Nous réservons vraiment des surprises à ces gens-là.” Mais si les positions et les décisions des uns et des autres sont à présent connues, on ignore par contre quel serait le comportement de l'électotat pourtant concerné au premier chef par le débat. Des voix s'élèvent ainsi pour attirer l'attention sur le danger d'un éventuel désintérêt du citoyen de la chose politique en ce moment particulier. L'analyse que fait à ce propos le président d'un bureau régional du RCD apporte des éléments de réponse à la problématique. “Les services orchestrent une campagne de démobilisation de l'électorat en Kabylie, étant entendu que le groupuscule destiné par le pouvoir à l'occupation de certaines assemblées fera le maximum pour écupérer toutes leurs voix”, estime le Dr Mouloud Lounaouci qui conclut ainsi : “Les citoyens de Kabylie doivent savoir que la stratégie et le piège du pouvoir s'appuient sur un mot : I'abstention.” YAHIA ARKAT