Mekassa ! Des mamelons et des montagnes. Tout y est gris en ce début d'automne. De quelque côté que l'on regarde, on voit des tâches sombres de maquis. Cependant, jusqu'à l'embranchement menant à cette région, l'attention du voyageur est inévitablement attirée par des parcelles de cultures maraîchères d'un vert épais, surtout des champs d'haricots en cette période. La commune de Bouati Mahmoud est réputée par le maraîchage qu'on y pratique, surtout le long de l'oued Ouled Ali, en aval de la source thermale du même nom, où l'on cultive la tomate industrielle, les fèves, les haricots, le piment vert, le poivron et autres. Se trouvant loin de l'oued, au-delà du chef-lieu de commune, à 7 km au nord-ouest de Guelma en direction de Skikda, la région de Mekassa est une des plus grandes mechtas de ladite commune, sinon la plus grande de toutes celles de la wilaya de Guelma ; elle fait frontière avec la commune de Nechmaya, et avec celle d'El Eulma (W. de Annaba). Légèrement goudronnée, mais presque complètement crevassée, une route traverse des oliveraies, des chaumes et des maquis de myrtes, d'aubépines et autres arbustes. Les mûriers sauvages courent le long des oueds avec leurs grappes de fruits noirs et souvent desséchés. Malgré le terrorisme qui y a quelque peu sévi du fait des maquis couvrant la plus grande partie de la région, les habitants n'ont jamais quitté leur pénate. Ce sont des douars disséminés çà et là, des familles y sont installées depuis 4 à 5 générations, nous disent certains d'entre eux, rencontrés dans une bicoque faisant office de café et implantée près de l'école rurale et la salle de soins au sommet d'une pente. Trois ou quatre baraques du même genre sont autant de lieux de rencontre des habitants de cette région. Fiers, réputés pour leur franc-parler, ils ne mâchent pas leurs mots. A plusieurs reprises, ils ont bloqué la route reliant Guelma à Skikda. La dernière émeute remonte à un peu plus de deux mois. Ils vivent avec la promesse du wali de régler certains de leurs problèmes. D'abord la route, qui traverse cette région et qui est cabossée. On leur a fait venir du tout-venant, et les habitants de combler les trous et les crevasses, mais la route, après cette opération qu'ils jugent insuffisante et inefficace, reste toujours par endroits affreusement défoncée. Les habitants ont aussi un problème d'eau potable. Si certains sont dotés de puits, ayant eu les moyens de les creuser, d'autres s'approvisionnent à dos d'âne. L'école rurale est dans un état tel qu'elle rebute même l'écolier, elle attend toujours la réfection promise. L'autre épineux problème concerne les concessions. Ils parlent d'une superficie globale de 120 ha, devant être distribués à douze personnes à raison de 10 ha par bénéficiaire, mais, selon eux, mis à part trois ou quatre personnes originaires de Mekassa, les autres sont originaires d'autres mechtas et même certains du chef-lieu de la commune. « Nous n'acceptons pas cette distribution, à moins qu'à nous autres aussi, on donne des terres dans d'autres régions », disent-ils. Et d'ajouter que le wali a dit lors de leur rencontre avec lui que la terre leur reviendra à eux en premier lieu. D'autant plus que les jeunes souffrent de chômage. L'un d'entre eux nous a parlé de son dossier déposé à l'Ansej en vue de monter une petite entreprise d'élevage, de bénéficier d'un crédit pour l'achat d'une cinquantaine d'ovins. Voilà deux ans qu'après avoir fait la navette entre l'Ansej et les banques, il attend finalement des illusions. Les agriculteurs réclament aussi l'aide du fonds agricole. Quoi qu'il en soit, les habitants de Mekassa insistent sur le fait que les concessions doivent leur revenir, et ils n'y démordent pas. Aussi surveillent-ils avec un vif intérêt les deux bouteurs (bulldozers) devant réaliser les travaux de mise en valeur, qui sont stationnés depuis une douzaine de jours non loin de la zone de concessions, mais qui n'ont pas encore entamé l'opération de terrassement.