L'affluence dans les marchés des fruits et légumes se fait timide à l'approche du Ramadhan. « On ne le sent pas pour une fois », dira un Algérois rencontré aux abords du marché communal Ali Mellah. Des acheteurs apostrophés expliquent ce manque d'engouement par la brusque flambée des prix. Les ménages ne font que frôler des étals reluisants de fruits du jour. Invoquant l'engouement fléchissant de ses habitués, un libraire, connu sur la place d'Alger, dira que la classe moyenne qui fait souvent les librairies est préoccupée par d'autres tracas. Le remboursement qui traîne du crédit d'un véhicule acheté sur un coup de tête est leur embarras majeur. Cette classe est fatiguée et ne sait à quel banquier se vouer, pour conjurer ses ennuis. Extrapoler cette allégation reste de mise surtout pour la frange la plus miséreuse de la population. Aussi, les « échéances », se suivant à un rythme ahurissant, ne laissent pas tellement le choix aux consommateurs frileux. La rentrée scolaire et ses dépenses après un mois de vacance saignent les familles. Des prix feront les choux gras des journaux et le principal sujet de discussion des veillées creuses des Algérois. « La chorba ne sera pas grasse ce mois. Je préfère acheter au jour le jour. A chaque jour suffit sa peine », dira ce père faisant ses emplettes dans la marché T'nach de Belouizdad. A se promener dans les différents souks, des commerçants proposent, parce qu'ils se sont donné le mot, les mêmes prix. Ces derniers semblent suivre une courbe ascendante. Toutefois et contrairement à l'année passée, les prix n'ont pas connu une augmentation excessive dans les jours précédant le mois de jeûne. Jugez-en. Le prix de la pomme de terre qui constitue une denrée demandée par les ménages est de 25 DA, tandis que le prix de la tomate oscille entre 40 et 50 DA/kg. Les haricots et la salade sont proposés à plus de 60 DA. Les piments sont cédés à plus de 60 DA. Les raisins secs importés de Turquie sont à 360 DA. Les prix des viandes fraîches de moins en moins consommées sont toujours inabordables. L'Algérois préfère de loin celle congelée. « La farce de l'année passée où les consommateurs ont goûté à toutes les sauces, sans le savoir qu'après coup, de l'âne leur est restée en travers de la gorge », plaisante ce jeune apparemment bien inspiré. Au Bazar, les prix de la viande de mouton est de 700 DA/kg, alors que celle du veau est à plus de 500 DA. A quelques pas de là, des femmes en haïk fouinent dans ces bennes à ordures à la recherche d'une improbable pitance. Elles remontent en fin de course des fruits et des légumes pourris, mais qui tiennent toujours. Avant l'arrivée du mois sacré, les marchés et autres magasins se préparent pour pouvoir satisfaire une demande qui deviendra grandissante. Le constat s'impose dès l'abord, les prix n'ont pas beaucoup changé. « C'est normal », dira cet homme rencontré, au marché des fruits et légumes de Bab El Oued avant de se reprendre et d'affirmer qu'il faut attendre la veille du Ramadhan pour s'apercevoir de la hausse véritable des prix. Quant aux vendeurs sur place, leurs avis divergent. « Les prix vont sûrement augmenter et ça commencera ces jours-ci si ce n'est déjà fait », assure ce marchand. Un autre assura que les prix ne vont pas changer par rapport à la tendance actuelle. « Il resteront les mêmes ». Le marché de Bab El Oued, l'un des plus fréquentés de la capitale, où l'activité commerciale est dense, les prix des fruits et légumes ont marqué une augmentation. Ils déclarent qu'ils ont de plus en plus de mal à remplir leurs couffins. Une vieille femme nous dira : « Le mois du Ramadhan est celui de la rahma, mais ces commerçants n'en ont cure et ne semblent pas se soucier des petites bourses. » Au marché Stambouli (ex-Nelson) où les prix sont un peu plus élevés comparés aux autres marchés de la commune, des commerçants attestent que « les plus touchés par les hausses des prix restent les fruits ». En l'absence de contrôle fiable des services de la DCP et des bureaux d'hygiène communaux, les consommateurs se sentent livrés à la merci des « commerçants véreux ». « L'Algérien ne mangera jamais à sa faim », ironise un homme venu pour acheter des légumes. Terrible sentence. La plupart des consommateurs rencontrés affichent un certain désarroi, quant à la façon de passer le Ramadhan avec un pouvoir d'achat très limité. I. N., Zohir Bouzid