Le degré de civilisation d'une nation se mesure au nombre de ses intellectuels, autrement dit ses penseurs, ses poètes, ses peintres, ses écrivains et des musiciens. C'est à travers leurs différents arts et expressions que se mesure la portée du rayonnement culturel et de son impact sur la vie du pays tout entier. Pour exprimer leur talent et faire étalage de tout leur art, les artistes revendiquent des espaces adéquats : théâtres, odéons, galeries, cinémas et bibliothèques. Depuis le recouvrement de l'indépendance, rien n'a été fait pour l'éclosion de l'art et l'émergence des talents. Les seules institutions auxquelles furent confiées ces missions sont les centres ou maisons de jeunes. Il en existe deux à Aïn Beïda ; la maison Saïdi Djemoï et celle de la cité des Résistants. La municipalité a transformé les anciens locaux de la cantine principale en centre culturel. Mais dispenser la culture sans cadres ni professeurs ressemble à un coup d'épée dans l'eau. « On ne peut pas l'engraisser sans nourriture ! », nous dit un citoyen désabusé, pour paraphraser un adage de chez nous. A l'heure présente, les artistes de la cité des Haractas languissent et semblent se complaire dans un assoupissement mortifière. Une léthargie qui ne dit pas son nom et qui s'est emparée des intellectuels, les rendant amorphes, sans ambition et sans rêves. Comment se fait-il, se demande-t-on, qu'une telle pléiade d'artistes, de poètes, de peintres, se complaise dans le farniente, incapable de bouger le petit doigt pour composer ensemble au sein d'une ou de plusieurs associations ? UN COUP D'ÉPÉE DANS L'EAU La prestigieuse salle des fêtes qui date du début du siècle dernier, appelée communément Cinéma Chentli, mais connu aussi sous la dénomination Régent, est dans un état pitoyable. Abandonné à son triste sort, l'édifice sombre dans l'oubli et perd chaque année un peu plus de son lustre. Il y a quelques années, la salle a été rénovée pour accueillir le Festival national de poésie Mohamed Laïd Al Khalifa, natif de la ville. Par la même occasion, la salle a été baptisée à son nom. Les citoyens, surtout les amoureux des belles lettres, ont cru que leur cité a renoué avec ses traditions intellectuelles. Aïn Beïda a, en effet, joué un rôle prépondérant dans les domaines culturels. Des normes et des figures ont jalonné son histoire. Elle a vu naître et grandir Mohamed Laïd Al Khalifa, Hadj Zinaï Belgacem, Belekbir (auteur de pièces de théâtre) et les écrivains et poètes R. Boudjedra, C. Chenatlia, Saïghi. D'illustres peintres y ont vu le jour, comme Rachid Koreïchi, D. Louafi et R. Benmechri. Malheureusement, malgré une pléthore d'intellectuels, la ville de Aïn Beïda se morfond dans une morbide monotonie ni festivités, ni vernissage de peinture, ni cinémathèque, même pas une bibliothèque. La seule qui existe au centre culturel municipal ne paie pas de mine, faute de nouvelles acquisitions et de nouveautés. D'ailleurs, il n'existe plus de rats de bibliothèques, de ces bibliophiles qui placent le livre au-dessus de tout, puisque nourriture spirituelle incontournable et indétronable. Pis encore, il n'existe guère dans la ville une librairie achalandée en nouveautés ! Cela étant, Aïn Beïda a bénéficié du projet d'un centre de culture et il appartient à la municipalité de procéder à son démarrage et à sa mise en service dans les toutes prochaines années. Par ailleurs, des citoyens nous ont signalé que l'ancien dock silo, désaffecté depuis de longues années, pourrait être transféré au profit de la culture. En effet, cet ouvrage situé dans un endroit stratégique pourrait être affecté à la culture, puisque de par son imposante stature servirait au domaine précité. Plus, il pourrait être transformé en vrai palais culturel, jouissant d'une architecture futuriste. Ce ne sont que des rêves mais réalisables pour peu que la volonté s'en mêle !... Et le déficit serait résorbé.