L'infostratégie L'infostratégie consiste en l'utilisation de l'information comme outil multifonctionnel en général et pendant les conflits armés ou idéologiques en particulier. Elle mène inévitablement à l'infodominance et exige une combinaison de plusieurs facteurs : 1- Un système politique pluriel qui n'exclut pas la possibilité pour les citoyens de concourir à un poste politique, y compris celui d'être président. 2- Un système judiciaire indépendant sans aucune autorité du politique sur les magistrats, d'où la possibilité pour un citoyen d'ester en justice un président. 3- Un système culturel qui octroie à l'information son statut de pouvoir des pouvoirs pouvant enclencher les autres systèmes de façon automatique et inévitable à l'instar des rapports du journalisme d'investigation. 4- Un système économique puissant où la notion de l'information prend la valeur marchande commandée par les règles de l'offre et de la demande, loin de l'assistance étatique et où l'intervention de l'Etat n'est que sporadique pour la régulation des rapports sociologiques entre les produits informationnels et les groupes sociaux sur le plan éthique et professionnel. 5- Une assise matérielle et technologique importante pour la circulation de l'information et l'implantation de réseaux de communication à la faveur de toutes les couches sociales sans exclusive, nonobstant les sensibilités des courants idéologiques dans la société. Pour que l'infodominance puisse prendre sa totale expression, il faut que tous les paramètres des systèmes précédents soient consolidés par une force, c'est-à-dire la puissance militaire, pour dissuader et persuader l'« ennemi ». C'est le cas des Etats-Unis d'Amérique avec les petits pays sous-développés qui ne peuvent marcher vers le développement pour diverses raisons, dont la plus importante concerne la nature des régimes politiques hermétiquement fermés. Ce n'est qu'à partir de la disponibilité des facteurs précédents et de la corrélation permanente entre les acteurs de la société politique, économique et culturel que l'infodominance trouve son entière expression. C'est ainsi que l'infodominance prend parfois la forme de matière de propagande acceptée et répétée par les alliés des Etats-Unis, tantôt elle prend le rôle d'outil pour convaincre les institutions internationales, mais dans la majorité des cas, elle est exploitée comme idéologie libéraliste du monde opprimé, tout en vantant les bienfaits du système capitaliste et par voie de conséquence démocratique. Ces attributions fonctionnelles sont le résultat simple mais stratégique du traitement spécifique des données disponibles, parfois inventées par les machines de l'idéologie néoconservatrice, qui une fois conditionnées doivent toucher un maximum de personnes à travers le monde. L'infodominance est toujours pourvoyeuse de messages codés ou non codés sous forme d'injonction ou de références de travail pour les récepteurs sur le plan politique ou diplomatique. Chaque jour, 55 millions d'exemplaires de journaux sont distribués aux Etats-Unis pour la formation de la conscience collective et l'homogénéisation des opinions publiques sur les « cas » d'actualité intérieure et extérieure. Si la presse de proximité renforce la pluralité et consolide la liberté d'expression, elle peut en contrepartie être à l'origine de l'ignorance politique et culturelle, comme c'est les cas du peuple américain où plus de 60% ne connaissent pas où se trouve l'Irak. D'ailleurs, la mise en place de chaînes de télévision hyperlocales consacre cette tendance de l'analphabétisme culturel chez les Américains, dans la mesure où l'information consacrée pour les autres pays est quasiment nulle, ce qui contribue à forger une immunité culturelle axée essentiellement sur le modèle de consommation américain et la doctrine de l'hégémonie de ce modèle sur les autres modèles (14) L'infodominance ne peut être un environnement ou deux où plusieurs puissances médiatiques peuvent cohabiter. C'est ainsi que la machine de guerre américaine qui fut irritée par le savoir-faire et le professionnalisme de quelques chaînes, notamment arabes, durant les conflits armés en Afghanistan et en Irak, ont payé le prix fort par la destruction de leurs sièges et la mort de correspondants. Dans le même contexte que le Pentagone a créé l'office d'influence stratégique avec pour mission principale de décerveler l'opinion publique locale et internationale et créer les conditions médiatiques pour faire « passer » les mensonges de l'élite américaine. De même, lors de la dernière guerre du Golf, une nouvelle fonction établie dans les milieux militaires a été créée pour la circonstance. Il ne s'agit plus de correspondant de presse dans une guerre, mais de militaires médiatiques. Le centre de presse militaire Centcom, implanté au Qatar sur une superficie de 1 km2, a coûté plus d'un quart de million de dollars et a été conçu par des experts du boulevard d'Hollywood. Le rôle de cette infodominance du point de vue américain doit être perçu non seulement comme référence, mais surtout comme un fait accompli pour les pays, y compris européens. C'est d'ailleurs le cas pour l'Europe qui se soumet au projet mondial d'espionnage lancé par les USA sous le nom d'Echelon, et qui consiste à surveiller la planète avec plus de 120 satellites puissants éparpillés dans l'espace et révélé au grand public en l'an 2000 par le journaliste et producteur de télévision écossais Duncan Cambeli, dans le cadre du journalisme d'investigation. Lorsque le siège du F51 à Oklahoma City a sauté le 19 avril 1995 sous l'effet de plusieurs centaines de kilogrammes de dynamite déposés par un certain Timothy Mc Veigh et « la bénédiction » passive des agences d'intelligence américaines, la presse américaine a immédiatement commencé à faire la vindicte des Arabes et des musulmans. De très graves dépassements par les groupes extrémistes américains ont été enregistrés à l'encontre de la communauté étrangère et les ethnies minoritaires (des sikhs ont été tués ou maltraités car ils ont été pris pour des musulmans à cause de leur ruban sur la tête) sans que cela ne provoque de réaction immédiate de l'Etat fédéral suivant les premiers moments de l'explosion, car l'Etat estime que les Américains ont le droit de se venger sur celui qui leur a fait mal. C'est la logique des Westerns tout comme le langage utilisé par le président Bush pour appeler au meurtre ou les mises à prix contre les dirigeants irakiens du parti Baâth. Néanmoins, il faut signaler qu'après avoir eu le nom du bourreau des victimes de l'Oklahoma City, la même presse a eu l'opportunité de revenir sur l'enfance de Mc Veigh dans un souci justificatif de l'acte comme pour dire qu'un Américain ne peut être un terroriste. C'est dans cette logique de domination que les USA ont mis en place une stratégie de domination culturelle par le biais de la libre circulation des produits informationnels, tous supports confondus, pour aboutir à la suprématie culturelle et idéologique. L'idéologie colonisatrice est la même depuis toujours. Elle ne peut pas changer, surtout si c'est au nom du religieux que la colonisation est activée. C'est le message idéologique de cette même doctrine qui peut aider à comprendre les projets des néoconservateurs aujourd'hui qui sont aux commandes de l'empire américain et qui affirment que leur présence dans le monde est justifiée par le commandement de mener la guerre contre le mal et la démocratisation des peuples arabes et musulmans.(15) Peut-on vraiment justifier la barbarie américaine et l'atrocité des crimes commis par l'arsenal militaire par les seuls prétextes de démocratiser les dictatures du monde ou de veiller à la non-prolifération des armes de destruction massive ou par la politique du tout sécuritaire pour assurer la sécurité sur le territoire américain ? Tout cela peut être classé prioritaire, mais la réalité du terrain sur lequel se sont engagés les Etats-Unis et son « facteur » britannique prouve que l'esprit libéral des néoconservateurs a prévu la domination des sources énergétiques mondiales sous la supervision du vice-président Dick Cheney et s'assurer des alliances par le mensonge de ses secrétaires d'Etat et exécuter les plans expansionnistes par la force et veiller à l'ouverture de nouveaux marchés sous le contrôle et la vigilance des experts de l'Organisation mondiale du commerce et les accords d'association et les zones de libre-échange avec les Etats du tiers-monde pour américaniser les esprits. Il est aussi important de terminer cette étude en affirmant que tous ces objectifs sont secondaires par rapport à l'idéal suprême qui guide la croisade sion-américaine et qui consiste à garantir une fois pour toutes tous les fronts contre l'Etat d'Israël, tel est le commandement de la politique américaine contre les Arabes et les musulmans. Notes : 14- A ce sujet l'étude consacrée aux chaînes hyperlocales Yves Eudes, « Essor des chaînes hyperlocales aux Etats-Unis », Le Monde diplomatique, février 1994, aussi Lakhdar Ydroudj, « Esquisse d'une nouvelle théorie de l'information », Revue tunisienne de communication, N 28/29 juillet/décembre 1995 - janvier/juin 1996. 15- D'ailleurs, le discours prononcé par le président George W. Bush à l'endroit du peuple irakien, au nom de Irak Freedom, s'inspire du discours prononcé par le général britannique F. S. Maude à l'endroit du peuple de la Mésopotamie (habitants du Tigre et de l'Euphrate), le 19 mars 1917. C'est le général qui a mené sa croisade contre la Mésopotamie la même année.