Au regard des gros moyens matériels qui viennent d'être injectés dans les différents services de nettoyage et de ramassage des ordures de la ville d'Alger (Netcom, Asrout et APC), il paraît aujourd'hui bien évident que le problème d'hygiène dont souffre la capitale n'est ni une question d'insuffisance d'équipements, ni une question de sous-effectif. Si tel avait été le cas, les 430 véhicules de collecte de déchets urbains récemment acquis par Netcom et les communes de la capitale auraient déjà produit des effets positifs concrets sur l'hygiène des espaces publics algérois, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Aucune rue ni placette de la capitale ne sont épargnées par ce fléau qui frôle l'indécence dans certains quartiers comme Bir Mourad Raïs, Birkhadem, Bouzaréah, El Harrach et les Eucalyptus. Dans ce dernier quartier, l'insalubrité fait tellement partie du quotidien de ses habitants qu'ils ont pris l'habitude de se repérer par rapport aux amoncellements d'ordures. A une personne à qui nous demandions de nous indiquer où se trouve la polyclinique, la réponse a été on ne peut plus claire : « Juste à côté de l'amas d'ordures que vous voyez là-bas. » Voilà comment on a appris à vous orienter dans ce quartier, mais il n'est malheureusement pas le seul endroit où les décharges sauvages, par leur permanence, ont fini par devenir des repères géographiques. Avec près de 500 équipements de nettoyage (Netcom à elle seule compterait plus de 300 camions) et environ 6000 employés (Netcom en compte 3400), les Algérois sont pourtant en droit d'attendre de meilleurs rendements des différents services et entreprises chargés à gros coups de budgets d'assainir au quotidien leurs cités. La frustration est d'autant plus grande qu'il leur est automatiquement prélevé sur leur facture d'électricité une taxe sur l'habitation destinée au financement des activités de nettoyage et de ramassage des ordures. Que fait-on du produit de cet impôt en vigueur depuis plus de cinq ans ? Voilà une question qui mériterait d'être posée au ministre des Finances par un de nos députés tant elle préoccupe un grand nombre de citoyens. Le problème de l'hygiène dans la capitale n'étant ni un problème d'équipement ni un problème financier, encore moins un problème d'effectifs, l'insalubrité que les Algérois sont contraints de vivre comme une fatalité serait, de l'avis général, due à trois facteurs essentiels. Il y a d'abord l'absence de volonté politique émanant du plus haut sommet de l'Etat de faire d'Alger, capitale et vitrine du pays, une ville propre. Le wali d'Alger serait instruit à l'effet de mettre tous les moyens requis pour y parvenir en y mettant toute son autorité d'autant plus qu'Alger, contrairement à toutes les capitales du monde, n'a pas de maire, cette fonction fédératrice ayant été supprimée au début des années 1990 pour éviter qu'un élu de l'ex-FIS s'empare d'un poste aussi important. Il y a une bonne raison de réhabiliter le Conseil populaire de la ville d'Alger (CPVA), qui semble constituer la forme d'organisation qui convient le mieux à Alger où se côtoient sans limites territoriales précises près de 60 communes. Il y a aussi le mauvais choix des hommes désignés à la tête des services et entreprises d'hygiène urbaine, mais encore plus grave, l'absence totale d'obligation de résultats. L'environnement urbain algérois n'aura de chance de faire un bond qualitatif que dans la mesure où cette question centrale du choix des hommes et de leur évaluation périodique sera réglée par le nouveau wali d'Alger, duquel dépendent directement ou en dernier ressort les acteurs chargés de l'hygiène de la capitale. Il y a enfin la nécessaire implication des services de police pour faire appliquer la législation en matière d'hygiène publique. Cela se passe ainsi dans toutes les capitales du monde, et on ne comprend pas pourquoi il en serait autrement chez nous.