Déjà frappé de suspicion, le prochain référendum sur la nouvelle constitution pourrait être fortement marqué par un regain de violence. Tel est le message délivré par les plus hauts responsables américains. Un pessimisme qui ne déroute pas, puisque la violence est un fait quotidien, et même l'armée américaine - que l'on disait en 2003 partie pour une courte expédition - en paie le prix, au point de marquer l'opinion de son pays, celle-ci finissant par dénoncer cette guerre, et douter de l'existence d'un plan. C'est ainsi que six marines américains ont été tués dans deux attaques jeudi dans l'ouest de l'Irak, théâtre d'une série d'offensives contre les résistants. L'armée britannique a annoncé quant à elle vendredi, l'arrestation à Bassorah, dans le Sud de l'Irak, de 12 miliciens et policiers soupçonnés d'implication dans des attaques contre ses forces, et membres de la mouvance radicale chiite de Moqtada Sadr, selon l'un de ses responsables. A ce point, le transfert des opérations aux forces irakiennes devient hypothétique et même impensable. Ce qui obligera les forces de la coalition à aller elles-mêmes sur le terrain. Quatre marines ont été tués « par l'explosion d'un engin artisanal alors qu'ils menaient des opérations de combat près d'Al Karmah », localité proche de Falloujah, à 50 km à l'ouest de Baghdad, a annoncé l'armée américaine. Les deux autres ont été tués le jour même dans des circonstances similaires à Al Qaïm, près de la frontière syrienne, ce qui porte à 1946 le nombre de soldats américains et civils assimilés militaires, morts en Irak depuis l'invasion du pays en mars 2003, selon un décompte établi à partir des chiffres du Pentagone. Des milliers de soldats américains et irakiens mènent depuis le 28 septembre quatre opérations dans des localités de la vallée de l'Euphrate, qui court de la frontière syrienne jusqu'aux abords de Baghdad, pour empêcher les résistants de s'y déplacer et d'atteindre la capitale. Baghdad a connu vendredi dernier une nouvelle attaque armée qui a coûté la vie à trois personnes, alors que deux Irakiens ont péri dans un attentat à la voiture piégée à Kirkouk, à 250 km au nord de la capitale. Le chef des forces britanniques à Bassorah, le général de brigade John Lorimer, a indiqué que ses troupes ont interpellé douze Irakiens, des policiers et miliciens soupçonnés selon lui d'attaques contre ses soldats. Les douze détenus sont tous membres de l'Armée du Mehdi, la milice de M. Sadr, a dit le député Fatah Al Cheikh, membre de cette mouvance. Le général Lorimer a lié les arrestations au fait que « dans les deux derniers mois, huit soldats de la force multinationale et six membres de la coalition ont été tués par des terroristes dans la région de Bassorah ». Le 18 septembre, un chef local de l'Armée du Mehdi, avait été interpellé à Bassorah, entraînant l'arrestation de deux soldats britanniques par des policiers. Les deux hommes étaient ensuite passés dans les mains de miliciens présumés de l'Armée du Mehdi, avant d'être libérés par la force le 19 au soir par les forces britanniques. Dans ce contexte, la distribution à grande échelle des copies du projet de constitution qui sera soumis à référendum le 15 octobre a commencé. Les responsables de l'opération espèrent mettre entre les mains des Irakiens d'ici une semaine quelque cinq millions de copies du texte. Le corps électoral compte théoriquement 15,7 millions de personnes, sur une population d'environ 26 millions d'Irakiens auxquels le Premier ministre Ibrahim Jaafari a promis jeudi une protection effective le jour du scrutin. Une promesse qui sera difficile à tenir au regard des déclarations américaines. L'imam radical chiite Moqtada Sadr, pourtant opposé au fédéralisme, comme les sunnites qui cherchent à faire avorter la constitution, a laissé à ses partisans le choix de participer ou non au référendum. « Que chacun consulte à ce propos son chef religieux », a répondu Moqtada Sadr à une question de ses partisans, a indiqué l'un de ses proches collaborateurs, Moustafa Al Yaâcoubi dans un communiqué. Plus mesuré, le président irakien Jalal Talabani a estimé que les forces de sécurité irakiennes seront prêtes « d'ici deux ans » à relever les troupes de la force multinationale. Une déclaration qui n'a pas valeur d'engagement, car il se peut que d'ici là l'Irak vive une autre situation, en tout cas la plus dangereuse pour son existence en tant qu'Etat, c'est-à-dire son démembrement.