L'annonce d'Ahmed Ouyahia d'une éventuelle grosse perte d'emplois suite à l'entrée en vigueur depuis septembre dernier de l'accord d'association avec l'Union européenne (UE) a fait mouche et a bien suscité une onde de choc dans le milieu du travail, précisément dans les secteurs de l'agroalimentaire et industriel. Le chef du gouvernement a reconnu, rappelle-t-on, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire français Le Point, paru dans l'édition électronique du 6 octobre, que l'économie algérienne aura un « passage douloureux qui risque de (nous) faire perdre 500 000 emplois ». Ahmed Ouyahia a souligné, à l'occasion, que « l'ouverture économique avec l'Europe dans sa partie non agricole est bénéfique pour l'Algérie ». Il est ainsi clair que le secteur agricole, et par ricochet l'industrie agroalimentaire déjà en difficulté, est exposé à un danger émanant du Vieux Continent : les entités de production que compte ce secteur sont désuètes, donc incapables de faire face à la rude concurrence des produits européens. Constatant la gravité d'une telle nouvelle et les répercussions, du moins psychologiques, qu'elle pourrait engendrer dans le milieu du travail, le chef du gouvernement a apporté, hier, des précisions. Selon les services gouvernementaux, Ahmed Ouyahia a donc, contrairement aux écrits rapportés par l'hebdomadaire français Le Point, parlé d'un « risque de perte de 50 000 emplois » et non de « 500 000 emplois ». La mise au point est destinée à l'interviewer. Pour démontrer qu'il s'agit bien d'une erreur, les services d'Ahmed Ouyahia ont précisé que « l'ensemble des emplois industriels dans les structures de production de marchandises (hors hydrocarbures et bâtiment) ne dépassent pas actuellement 500 000 postes de travail ». Même avec cette précision, les travailleurs dans le secteur de l'agroalimentaire sont loin d'être rassurés. « Nous savons qu'il va y avoir des pertes d'emplois ; même si le chef du gouvernement évoque cela au conditionnel, cela ne nous réchauffe pas le cœur », nous a déclaré, hier, Kamel Benabbou, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie et de l'agroalimentaire (FNTIAA). Il est convaincu que le coup est mal parti dès le départ. Il pointe ainsi du doigt les négociateurs algériens auxquels incombe, selon lui, la responsabilité de ces éventuelles pertes d'emplois. « Si perte il y aura, c'est la faute à eux et bien sûr au gouvernement qui les a choisis », a-t-il ajouté. M. Benabbou, qui a conduit la vague de protestation du début de l'année contre le processus de privatisation réactivé par Ahmed Ouyahia, dit que la FNTIAA et les travailleurs qu'elle représente ne vont jamais se laisser faire. « Lorsque ce moment arrivera, nous allons décider de diverses actions de protestation en collaboration avec la centrale syndicale », a-t-il souligné. Pour lui, toute perte d'emploi est inadmissible, car l'Algérie a besoin, plus que jamais, de postes d'emplois. « Le rôle des négociateurs était normalement de protéger ce qui reste de l'économie nationale », a-t-il indiqué. M. Benabbou dit pressentir le contraire, avant de qualifier l'annonce du chef du gouvernement de « catastrophique » pour l'économie algérienne. Selon lui, cela prouve que l'accord a été ratifié au détriment de l'Algérie. La centrale syndicale préfère temporiser en attendant de voir plus clair. « Nous allons d'abord vérifier la véracité de l'information. Ensuite, nous allons chercher les raisons de ces éventuelles pertes d'emplois, les étudier et voir comment le gouvernement va gérer cela, pour arriver à une décision réfléchie », nous a déclaré Rachid Aït Ali, responsable de la communication au niveau de l'UGTA.