La recapitalisation des banques et la baisse des taux d'intérêts sont censées améliorer la capacité des banques publiques qui détiennent 90% des parts du marché financier et financer l'investissement. Les principaux concernés, à savoir les opérateurs économiques, restent sceptiques à ce sujet et estiment à l'unanimité que ces mesures ne sont que de la poudre aux yeux. Interrogé sur cette question, M. Omar Ramdane, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), considère que ces mesures « restent très en deçà de ce que nous avons demandé ». « C'est quoi une baisse du taux d'intérêt de 0,25 ? », s'est-t-il exclamé. Avant de poursuivre : « Pour que ces taux soient attractifs pour l'investissement, ils doivent être de 4 à 4,5%. » D'après lui, le climat des affaires actuel est loin d'être l'idéal pour encourager l'investissement. D'ailleurs, « le nombre de dossiers a chuté au niveau de l'Agence nationale pour le développement de l'investissement (ANDI) ces dernières années car, a-t-il indiqué, il n'y a pas d'engouement pour l'investissement » et ce au moment où « les banques ont des surliquidités ». Dans ce contexte, les consultations entre les investisseurs et les banques prennent les allures d'un dialogue de sourds, si l'on tient compte des déclarations du président du FCE qui rapporte que les rencontres qui ont regroupé les patrons et les responsables de banques n'ont abouti à aucun résultat concret. « Ils disent que les choses vont s'améliorer avec la mise en œuvre de la réforme bancaire qui devrait intervenir d'ici à la fin de l'année », a-t-il ajouté visiblement non convaincu. Même son de cloche chez M. Hassani, ex-président de la Confédération des industriels et producteurs algériens, qui affirme s'exprimer en tant qu'opérateur économique. Pour lui, les dernières mesures n'ont pour objectif « que d'amuser la galerie ». Autant dire que ce représentant du patronat n'y va pas de main morte avec les autorités qui ont procédé à l'assainissement des banques et des entreprises publiques économiques mais qui, dans le même temps, ont omis d'élargir l'opération aux petites et moyennes entreprises (PME). Ces dernières, a-t-il souligné, ont beaucoup souffert de la dévaluation du dinar. Elles avaient de ce fait besoin d'un soutien financier. Aussi, il estime que les PME doivent bénéficier de la recapitalisation au même titre que les banques et les EPE. Abondant dans le même sens que M. Ramdane, M. Hassani a soulevé le paradoxe qui fait que « les banques sont gonflées comme des vaches laitières alors que les entreprises sont réduites à la mendicité ». Ce qui lui fait dire qu'il s'agit là « d'un phénomène unique dans les annales économiques ». Il considère également que la dernière baisse des taux d'intérêts est « dérisoire » et ne représentant absolument rien. « Ce n'est pas sérieux », s'est-il indigné. Un avis que partage entièrement l'homme d'affaire Issad Rebrab, président-directeur général du groupe agroalimentaire Cevital. M. Rebrab souligne d'emblée que « son entreprise n'a aucun problème financier au jour d'aujourd'hui » et que « tous ses investissement sont couverts à 120% à partir de ses fonds propres ». « Et quand nous avons des achats d'équipements à l'étranger et qui dépassent nos résultats, nos cash-flows et nos disponibilités financières, nous sommes l'unique société, à part Sonatrach, qui arrive à lever des capitaux sur la marché international. » « Privatiser les banques » « Des banques étrangères financent nos équipements en prenant le risque sur Cevital sans aucune garantie d'une banque algérienne », a-t-il tenu à préciser. « Il y a actuellement énormément d'argent au niveau des banques et du marché financier, mais malheureusement cet argent ne va pas vers le secteur productif', estime M. Rebrab. Il explique la frilosité des banques par « un problème d'environnement économique ». D'après lui, « pour un oui ou pour un non un responsable ou un employé d'une banque peut être inquiété par la justice. Alors qu'on doit faire la différence entre un acte de gestion normal qui ne doit pas être répréhensible et une faute grave où il y a fraude. Il faut qu'il y ait une distinction entre les gens qui volent ou qui fraudent et qui doivent être punis par la loi et des gens qui font leur travail de bonne foi et qui peuvent avoir l'un de leur client qui leur fait défaut. Ces derniers ne doivent pas être inquiétés sinon ils ne vont pas pouvoir accompagner les opérateurs économiques », a-t-il affirmé plus explicite. Mais ceci n'est pas le seul reproche que fait M. Rebrab à l'égard des banques publiques. Il n'hésite pas à mettre à l'index la partialité de ces dernières née d'une pression qui vient d'en haut, selon lui. « Les banques d'Etat aujourd'hui reçoivent des injonctions qui leur demandent de financer le projet d'untel même si celui-ci n'est pas bon alors que d'autres qui se présentent avec des projets rentables, on refuse de les leur financer. Nos banques doivent rester indépendantes et ne doivent pas être instrumentalisées par les pouvoirs publics. Pour qu'elles ne le soient plus, il faut les gérer comme des entreprises privées, il est donc impératif de les privatiser », a-t-il affirmé à ce propos. Il propose, en outre, de créer des fonds d'investissement qui seront confié en sous-traitance à des spécialistes étrangers. « Ils vont étudier les dossiers et traiter uniquement avec les entreprises viables. Si on avait fait ça avant, on ne serait pas arrivé à la situation qui a nécessité l'assainissement des banques », a-t-il observé. Mais il considère néanmoins que le désinvestissement constaté n'est pas seulement le résultat de la défaillance du secteur bancaire. « Ce n'est pas le taux d'intérêt qui pose problème au niveau de la relance économique. Un bon investissement peut supporter les taux d'intérêts en vigueur. Ce qui bloque l'investissement, c'est le foncier. Il y a plusieurs opérateurs économiques qui ont importé des équipements qui sont restés dans leurs caisses car il n'y a pas où les installer. D'autres voient l'examen de leurs dossiers au niveau des banques traîner en longueur. Donc le fait de baisser les taux d'intérêts ou de renflouer les banques ne changera pas grand-chose », a-t-il fait remarquer.