L'Association d'aide aux inadaptés mentaux, l'AAIMB, dont le champ d'action s'étale sur Béjaïa et les communes limitrophes, en plus des difficultés financières entravant la bonne marche de ses structures, voit ses objectifs en matière d'insertion sociale et professionnelle contrariés par les mentalités régnantes. L'argent sans lequel rien ne peut se faire n'atterrit que chichement dans les caisses de l'association. Ainsi, nous apprend son président Hadj Naceri, aucune subvention n'est consentie par l'Etat. La CNAS verse une indemnité participative de 310 DA/jour par élève pris en charge. Ce qui est jugé dérisoire, compte tenu que celle-ci « n'est perçue que pour les jours ouvrables alors que le personnel doit être rétribué toute l'année ». La fin de chaque exercice est bouclée difficilement, lorsque l'on considère qu'il s'agit d'un effectif important de 55 employés permanents entre personnel pédagogique et psychopédagogique, administration, personnel de restauration, agents d'entretien et chauffeurs. Il faut encore faire face aux dépenses liées à d'autres chapitres, comme l'entretien des équipements et les dotations en supports pédagogiques. Seuls donc les bénévoles viennent à la rescousse, pour, autant que faire se peut, maintenir l'édifice debout. La gageure va nettement au-delà du contenu de la tirelire. Pour autant, il n'est pas question pour les bénévoles de l'association « de revoir à la baisse » « quand la demande d'aide est en croissance ». La plus grande ressource est incarnée par la « volonté » des équipes en place - éducateurs, pédagogues, personnel médical et paramédical et animateurs - grâce à quoi l'efficacité des programmes n'est pas entamée. Ainsi, trois établissements accueillent les personnes sujettes à des déficiences : un centre psychopédagogique pour enfants d'une capacité d'accueil de 50 apprenants (il est réservé pour des enfants, dont l'âge va de 6 à 12 ans), un centre psychopédagogique pour adolescents accueillant jusqu'à 65 apprenants et un centre d'aide pour adultes d'une capacité de 60 personnes. Ambitions contrariées Rééducation fonctionnelle, orthophonie, développement des capacités taxonomiques, apprentissage, ateliers pour les adultes (menuiserie, peinture, couture, agriculture, horticulture) sont l'essentiel des activités accaparant toute la journée les inadaptés mentaux pris en charge, en vue de faciliter leur réinsertion sociale et professionnelle. Une réinsertion qui bute malheureusement, selon M. Naceri, sur des rejets qui sont le fait de préjugés eux-mêmes pérennisés par un déficit en communication. La correction réside « dans la vulgarisation de la réalité en matière d'évolution mentale et de développement des facultés et autres réflexes psychologiques ». Il est établi que les psychologues décèlent chez le déficient un don que les éducateurs se chargent ensuite de rendre expressif. Le travail de sensibilisation au niveau local aussi modeste soit-il a bien commencé - des passages à la radio Soummam, journées portes ouvertes, expositions des réalisations des locataires des centres d'apprentissage -, mais « le tabou reste difficile à lever ». Le président de l'association étaye son constat par un exemple édifiant « Même la solidarité exprimée par les officiels aux handicapés en général, dira-t-il, fait abstraction du handicap mental ; seul le handicap physique est pris en charge par notamment la fourniture de béquilles, de chaises roulantes, etc ». M. Naceri trouvera que le dernier passage du ministre de la Solidarité ait ignoré la situation qui prévaut dans les centres de l'association. Une situation qui frôle l'indigence. Les chalets en bois abritant les classes et les ateliers à Sidi Ali Lebhar, locaux hérités après désaffection d'une ex-base vie d'une société étrangère, se trouvent dans un état de dégradation avancée. A l'érosion que leur fait subir l'humidité régnante (la jetée n'est pas loin), s'ajoute une prolifération de rats. Des chaises sont rafistolées avec du fil de fer et les tables ne sont que des... étagères de grossistes avec le danger que fait encourir leur rouille éventuelle. Ces aléas pressent les sociétaires de l'AAIMB à lancer un SOS aux autorités locales pour « une contribution effective en vue de la construction d'un centre en dur ». En attendant, non seulement on continue à assumer sa tâche dans les critères d'approche psycho éducative des plus en vigueur, mais on voit même grand : projet de création artistique, atelier de théâtre, chorale, intégration prochaine dans l'équipe du Théâtre régional de Béjaïa, inscriptions dans la formation professionnelle et financement de l'implantation d'une pépinière horticole par Handicap International. « Nous comptons inonder la wilaya de Béjaïa de fleurs », nous dit un handicapé.