Déportations massives », « camps », « mur », « mort »... Ces mots revenaient dans les propos de chaque membre de la délégation du Parlement européen (PE) qui a rendu visite, lundi dernier à Melilla, aux réfugiés africains qui ont témoigné de l'enfer qu'ils ont vécu de la part des autorités marocaines. Les députés européens de la gauche unitaire ont inscrit la question liée au drame qui s'est déroulé aux frontières espagnoles à l'ordre du jour de la plénière du PE de ce mercredi, ainsi que dans celui du conseil des ministres de la Justice et des Affaires intérieures (JAI) de l'Union européenne (UE), qui se tiendra ce jeudi à Bruxelles. Intervenant devant une salle de presse pleine, le président du groupe de la gauche unitaire, M. Shultz, a déclaré : « C'est pour dénoncer la forteresse Europe, dont l'inhumanité a été illustrée à Melilla. La tragédie de Melilla a mis en évidence l'échec de la politique européenne de l'immigration. » Quant au coordinateur du comité des libertés civiles, le député italien Giusto Catania, il estime que « le gouvernement espagnol est coresponsable avec le gouvernement marocain de ces déportations massives ». Après avoir dénoncé les autorités marocaines pour avoir « abandonné en plein désert des êtres humains », M. Catania a déclaré que « ce qui frappe, c'est le renforcement du mur d'une hauteur de trois mètres du côté marocain et de six mètres côté espagnol, plus les barbelés. D'après les ONG, ce mur a été construit par les Israéliens », a-t-il précisé. Sylvia Yvonne Kaufman, vice-présidente du PE et membre de la commission des affaires intérieures, a pour sa part rappelé l'intangibilité des droits humains et leur défense par l'UE comme principe de son fondement. « Il est très difficile de digérer ce que l'on a vu à Melillia... Le mur et les barbelés m'ont rappelé le mur de Berlin... C'est un mur qui sépare, aujourd'hui, l'UE du tiers-monde... C'est une honte pour l'Europe ! », s'est-elle exclamée. Tous les autres députés, comme le Portugais Miguel Portas, l'Italienne Luisa Morgantini, l'Espagnol Willy Meyer ou l'Allemand Tobias Pfluger, qui ont fait partie de la délégation, ont exprimé leur colère et le sentiment de honte devant la situation que vivent les candidats à l'immigration dans les « camps » de Ceuta et Melilla. Le comportement inhumain des autorités marocaines est d'autant plus grave que « pas moins de 140 réfugiés politiques reconnus sont parqués dans les camps selon le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) », a relevé le chef de la délégation, le Français Shultz. Répondant aux questions des nombreux journalistes, les élus européens ont insisté sur « le cynisme du gouvernement marocain » et ont promis d'être « sans aucune faiblesse vis-à-vis des autorités marocaines et de mener une campagne pour des pressions internationales sur ce pays ». Les Européens sont sidérés face au comportement barbare des Marocains relevant d'un autre siècle, d'autant plus que le drame vécu par les réfugiés africains a été découvert par un pur hasard, par des volontaires de Médecins sans frontières et des journalistes en mission dans le Sud marocain. Par ailleurs, les députés européens vont déposer une plainte contre X devant la justice européenne pour trouver les coupables des onze morts (assassinats) par balles sur la frontière maroco-espagnole. Une commission d'enquête sera vite mise sur pied pour examiner les nombreuses atteintes aux droits de l'homme dans les camps de réfugiés tant marocains qu'espagnols. Tout porte à croire que le drame des réfugiés de Ceuta et Melilla et celui vécu dans les camps marocains vont remettre sérieusement en compte la politique européenne sur l'immigration, et changer le regard des Européens à l'égard des autorités marocaines.