C'est une véritable tragédie humaine. » C'est en ces termes que M. Rezag Bara - membre de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples de l'Union africaine (UA), chargée de faire la lumière sur le dossier des immigrants clandestins, après les événements de Ceuta et Melilla - a qualifié, au début de la semaine, les conséquences ayant découlé de la récente décision du Maroc de refouler de son territoire des immigrants clandestins subsahariens restés coincés au Maroc après leur refoulement des deux enclaves espagnoles. « Je comprends parfaitement que ce soit une véritable tragédie humaine parce que beaucoup d'entre eux ont fait le rêve d'aller en Europe pour travailler et améliorer leur situation et aider leur famille à survivre », a-t-il dit au cours d'un point de presse animé au camp de réfugiés sahraouis de Tindouf, après qu'il eut rendu visite à ces ressortissants africains recueillis dans le désert par le Front Polisario. La Commission africaine dont fait partie Rezag Bara, après avoir été alertée par les autorités de la RASD, est venue s'enquérir des conditions de ces « naufragés du désert », expulsés de force par le Maroc et recueillis par le Front Polisario dans la localité de Bir Lehlou (zone libérée du Sahara-Occidental), à près de 230 km au sud-ouest des camps de réfugiés sahraouis (Tindouf), depuis le 13 octobre dernier. Pour M. Rezag Bara, le drame qu'ont vécu les immigrants africains résulte du fait que les autorités marocaines « ont voulu forcer une expulsion de dissuasion ». Cela a, selon lui, débouché sur une dérive. Le plus grave, a-t-il regretté, c'est que ces immigrants ont été déportés au-delà du mur de défense. Cela fait qu'ils se sont retrouvés, a-t-il ajouté, dans une zone désertique sans aucun moyen de survie. A ce propos, il a indiqué que des ressortissants africains ont révélé à la Commission de l'Union africaine qu'ils ont été refoulés par les autorités marocaines, au début du mois d'octobre, du Nador, de Oujda, de Rabat et de Casablanca. Ces immigrants disent qu'ils ont été mis de force dans des bus qui les ont emmenés à S'mara et à El Ayoun où ils ont été placés sous la responsabilité des unités militaires marocaines. Celles-ci les ont par la suite emmenés dans des camions militaires du côté du mur de défense. Ces candidats à l'immigration dont le nombre avoisine les 200 ont été placés en divers endroits. Ils ont été obligés, sous la menace d'armes, à traverser ce mur, révèle M. Rezag Bara. Il affirmera aussi que ces immigrants ont été maltraités, molestés et dépouillés de leurs biens. M. Rezag Bara s'est dit, par ailleurs, persuadé qu'il y a encore des dizaines d'immigrants disparus, dont des femmes. « Je sais bien que ce sont des immigrés clandestins, mais ce sont des personnes humaines qui ont des droits fondamentaux. Je crois que sur ce plan-là les fondements les plus humanitaires des droits humains ne sont pas respectés », a-t-il fait remarquer. A préciser qu'un rapport sera soumis à la session de la Commission africaine qui se tiendra le 21 novembre à Banjul (Gambie). Ce document sera transmis aussi au secrétariat général de l'UA. Après qu'il les eut interceptés sur son territoire, le Front Polisario a recueilli dans deux endroits ces immigrants issus d'une douzaine de nationalités. 95 rescapés ont été casés à Bir Lehlou et 22 autres à M'hiriz, dont 50 Gambiens, 22 Nigérians, 18 Camerounais. Mais aussi de Guinée- Bissau, de Guinée, du Mali, du Burkina Faso et du Soudan. Aux yeux de Rezag Bara, une solution doit être trouvée pour ces immigrants, précisant que les autorités sahraouies et le Croissant-Rouge sahraoui sont en train de s'en occuper correctement d'eux et que les gens de la Minurso sont également alertés. Il a suggéré enfin à ce que la RASD entame une série de contacts à partir d'Addis-Abeba avec les pays dont sont originaires ces ressortissants.