Le premier semestre 2004, comparativement à celui de l'année précédente, a enregistré un bond effroyable. Le taux de mortalité a progressé de 6,39%, celui des blessés de 3,5% et de 9,78% pour le nombre total d'accidents. Ces statistiques ont été arrêtées par le Centre national de prévention et sécurité routières (CNPSR), lequel se base sur les données de la Gendarmerie nationale et de la police. Elles révèlent l'ampleur de l'hécatombe, qui place les routes algériennes parmi les plus meurtrières au monde. Une hécatombe dont on parle peu, mais qui reste à l'origine de beaucoup de drames sociaux. Aussi, les accidents de la circulation causent annuellement une perte financière de 40 milliards de dinars. A qui la faute ? Aux usagers de la route ? Au laxisme des autorités ? A la vétusté du parc automobile ? Assurément, chacun de ces facteurs a sa part de responsabilité, même si la Gendarmerie nationale classe l'excès de vitesse en tête. C'est en zone rurale qu'on note le plus grand nombre d'accidents. Sur les 2814 morts enregistrés jusqu'à août 2004, 2153 ont succombé dans cette zone, soit 76,5%. Le nombre d'accidents y est en constante progression. Durant le premier semestre 2004, l'augmentation dans cette zone est de 15,51% par rapport à la même période de l'année dernière. La tendance est quasiment identique en ce qui concerne les blessés. Les routes les plus meurtrières restent les RN 4 et 5, reliant respectivement Alger-Oran et Alger-Annaba, avec Bouira-Sétif comme le plus dangereux tronçon. En zone urbaine, la capitale qui enregistre un trafic démesuré par rapport à ses capacités, mais qui dispose d'une dizaine de feux de signalisation, pas toujours fonctionnels, détient le triste record du nombre des morts (15,4%) et des blessés (15,74%). L'échec de la « politique » de circulation et de prévention routière si tant est qu'il en ait déjà existé une est patent. De nombreuses structures de lutte ont été installées, tambour battant, notamment le CNPSR ou encore l'Etablissement de gestion de la circulation et transport urbain (EGCTU), mais, faute de moyens, elles demeurent inopérantes. Cette quasi-absence de l'Etat favorise le sentiment d'impunité chez le citoyen. Moins de 10% des PV, selon le président de l'association Tariq essalama, dans un entretien à paraître demain, sont payés par les contrevenants au code de la route. Submergée par les dossiers, la justice paraît incapable de les forcer à s'acquitter de leurs PV. Prévoyant des mesures plus coercitives, dont l'augmentation du montant des amendes (lire article de Nabila Amir), le projet de loi modifiant et complétant la loi 04-14 d'août 2001, relative à l'organisation, la sécurité et la police de la circulation routière, est-il voué à n'être qu'un texte législatif de plus ? Une stratégie nationale paraît plus que jamais nécessaire, car les causes sont multiples et les accidents sont appelés à s'accroître durant les prochaines années en raison de l'explosion des ventes de véhicules particuliers et la diminution des transports en commun à leur portion congrue, alors que les infrastructures routières ne suivent pas. Confrontée quotidiennement à ce phénomène, la Gendarmerie nationale a appelé récemment, lors de Journées portes ouvertes sur ses missions, les autorités à adopter une stratégie nationale, notamment pour soumettre la vente de pièces de rechange à un contrôle rigoureux, car une grande partie de la marchandise disponible sur le marché n'est pas constituée de pièces d'origine. Mais la priorité devrait néanmoins être donnée à la prévention et à l'éducation.