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Alfred Jarry, la dérision et la pataphysique
Lorsqu'on parle d'Ubu, c'est qu'il n'est pas loin !
Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2005

Auteur d'un nombre considérable d'ouvrages publiés, Alfred Jarry est surtout connu - et reconnu - pour le personnage d'Ubu dont la résonance universelle conserve toujours un caractère d'actualité. Le grand public n'entretient souvent qu'un souvenir fugace de titres, tels que Messaline, Les jours et la nuit, ou Le vieux de la montagne.
Jarry a posé l'archétype du tyran grotesque et difforme dont le pouvoir est fortement placé sous le sceau de l'absurde. A peine adolescent, Alfred Jarry avait esquissé les grands traits de la personnalité d'Ubu, bouffon vénal dans lequel se retrouvent les influences de Shakespeare - avec l'ombre maléfique de Richard III - et de Rabelais, mais aussi les réminiscences de la vie quotidienne dans les 20 dernières années du XIXe siècle. Ubu est né de l'observation, d'abord qu'a pu faire le jeune Jarry, des dérives du caractère chez ses contemporains et le personnage s'est nourri des tempéraments les plus proches de l'adolescent dans son univers familial, à l'école, puis dans la société française encore éprouvée par la défaite de 1870. Jarry était issu d'une famille aisée de la ville de Laval et il fut un élève brillant mais sarcastique dès les premières années de sa vie. Esprit ouvert, il s'intéressera aux progrès technologiques de son époque et tiendra, une fois adulte, la bicyclette pour la plus belle invention de l'homme. Esprit ouvert, curieux et rationnel, mais sans doute aussi inquiet des limites d'une vie provinciale traversée de préjugés. Il avait été un disciple attentif de Henri Bergson, et à ce titre il se posait des questions sur le sens de la vie. Par tempérament, il n'ira cependant pas vers les joutes philosophiques, mais vers l'écriture déjà décalée d'un théâtre de l'absurde qui est profondément distant des œuvres de Labiche, de Courteline, ou de Feydeau, entre boulevard et vaudeville, car Alfred Jarry est un pessimiste qui dissimule son angoisse derrière une dérision outrée. Ubu Roi, son œuvre-maîtresse, écrite en 1894, puis les différentes variantes autour du personnage, le situent comme un auteur d'une extraordinaire clairvoyance. Ubu est un personnage intemporel qui a du sens dans toutes les époques : dans le siècle de Jarry, bien sûr, mais aussi aujourd'hui en 2005, et il se trouve aussi que Jarry a agrégé dans ce personnage les tares humaines qui existent depuis la nuit des temps. La pièce de Jarry, si elle rencontre un succès phénoménal, ne satisfait pas pleinement son auteur qui éprouve le besoin de revenir dessus pour améliorer sa perspective. Il voulait absolument donner à Ubu cette dimension répulsive, mais on devine que dans le même temps, Alfred Jarry était fasciné par cet être excessif dans les avanies du grotesque. Ubu est l'un des personnages du théâtre moderne qui a été le mieux compris dans le monde. Cela n'a pas empêché que des Ubu réels surgissent de part en part des contrées de la planète. Alfred Jarry avait vu juste et loin. Sans doute se serait-il suffi de ce chef-d'œuvre définitif. Mais Jarry ne pouvait pas s'éloigner de la scène artistique dans laquelle il retrouvait des reflets du monde. Le théâtre représentait pour lui le fondement de sa vie et c'est presque significativement à cet égard qu'il se soit marié avec une actrice, Rachilde, qui accompagnera sa carrière flamboyante de dramaturge. On a pu relever l'aspect récurrent du personnage d'Ubu dans l'œuvre de Jarry avec Ubu Roi, Paraliponnènes d'Ubu, Ubu enchaîné et Ubu sur la butte. Il n'y a pas de facilité en cela, mais plus certainement peut-être le désir chez l'auteur de ne rien laisser échapper de cet être dont la boursouflure était une insulte à l'esthétique de la vie, mais qui dans le même temps réussissait à avoir de l'emprise sur d'autres êtres humains. Ubu, dans l'esprit de Jarry n'était pas qu'un bouffon d'opérette, mais un composite de ce qu'il y a de plus laid dans l'homme. En peu de mots, Ubu était la préfiguration de ces tyrans démesurés dans la folie et l'horreur, dont les XXe et XXIe siècles connaîtront d'effroyables avatars. Alfred Jarry, pour autant, ne trouvera le salut que dans l'écriture, et une pratique assidue et passionnée de la bicyclette.Il se réfugiera dans les plaisirs de l'ivresse et cela au détriment de sa santé. C'était un élan un peu suicidaire qui le portait à boire, par insatisfaction de n'avoir pas été tout à fait compris de son époque, et s'ajoutait à cela le regard autocritique qu'il portait sur lui-même au point de s'assimiler dans les dernières années de sa vie à celui qu'il nommait le Père Ubu. Mais sans doute pas à la manière dont Flaubert avait pu dire « Madame Bovary, c'est moi ». Chez Jarry, il y avait un autre enjeu et au fond il était devenu comique presque par désespoir du genre humain. Il avait d'ailleurs inventé une sorte de double littéraire, le docteur Faustroll pataphysicien, dont le postulat est que la pataphysique est la science des solutions imaginaires. Comment ne pas noter que dans Faustrol, il y a Faust ! C'est dans cet exercice glacé d'autodérision que Jarry a pris date avec l'avenir. Ubu mais aussi Faustroll forment les figures emblématiques dont se réclament les courants les plus résolument frondeurs du théâtre et de la littérature des XXe et XXIe siècles. Alfred Jarry aurait été, le tout premier, surpris d'avoir suscité un tel héritage, lui qui ne fut pas un prophète en son pays, mais dont l'œuvre a pris le temps de mâture dans la conscience d'une humanité qui sait que lorsqu'on parle d'Ubu c'est qu'il n'est vraiment pas pas loin.

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