Huit personnalités de l'opposition et de la société civile tunisiennes ont entamé, depuis mardi, une grève de la faim illimitée. Les grévistes sont, entre autres, des responsables de partis politiques, d'associations et des représentants de la ligue des droits de l'homme. D'aucuns affirment que l'état des libertés en Tunisie a atteint, ces derniers temps, un niveau de dégradation intolérable et inacceptable sans omettre la détérioration et ce, depuis des années, de la situation politique, sociale et culturelle. « En Tunisie, tous les espaces sont fermés, aucune personne quel que soit son statut n'a le droit d'exprimer son opinion ou d'émettre un avis contraire à celui du pouvoir en place. Les partis politiques ne sont pas autorisés à organiser des manifestations, des associations ont été empêchées sans aucun justificatif de tenir leur congrès », a souligné Anouar Koursi, vice-président de la ligue des droit de l'homme, joint hier par téléphone. M. Koursi a brossé à cet effet un tableau peu reluisant de la situation qui prévaut en Tunisie. Une situation qui a poussé les huit personnalités à relancer le mouvement de protestation en entamant au préalable une grève de la faim illimitée. Le choix du moment n'est pas fortuit. La Tunisie s'apprête à accueillir, les 16 et 17 novembre prochain, la deuxième moitié du Sommet mondial des sciences de l'information. Des journalistes et des personnalités de divers horizons participeront à cette rencontre qui sera largement médiatisée. Selon notre interlocuteur, le pouvoir tunisien essaye par tous les moyens de montrer à l'opinion étrangère que la Tunisie est un pays de liberté et de démocratie alors que la réalité est tout autre, et les grévistes comptent à travers cette action montrer à l'opinion internationale et aussi nationale le véritable visage de la Tunisie. « Au fur et à mesure qu'approche le sommet, le pouvoir renforce la sécurité dans le pays. Les autorités ont fait main-basse sur tout ce qui bouge dans la société. Ils ont interdit toutes les manifestations et autre mouvement de contestation pour donner l'impression qu'il y a une stabilité dans le pays », a indiqué notre interlocuteur qui nous a énuméré les multiples agressions du pouvoir. Ces dernières semaines, le pouvoir a saisi le local de l'Association tunisienne des magistrats. Il a, en outre, été à l'origine d'une décision juridique en référé pour empêcher la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) de tenir son 6e congrès national. Au cours de la même période, il a interdit la tenue du congrès du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT). « La situation des détenus politiques, dont l'épreuve dure depuis plus d'une décennie, a connu une détérioration alarmante puisque nous assistons à de nouveaux rebondissements concernant les mauvais traitements et la pratique de la torture. Les partis politiques, privés de l'utilisation des espaces publics et de tous les moyens d'intervention politique, se trouvent paralysés et littéralement assiégés », dira M. Koursi. De l'avis des responsables de deux partis politiques communistes et démocrates, les développements en question interviennent à un moment où des secteurs entiers de la société civile, avocats, magistrats, journalistes, universitaires, syndicalistes et militants d'associations de défense des droits humains, ont exprimé par des mouvements collectifs leur aspiration à plus de liberté et à une plus grande participation. « Ignorant délibérément ces aspirations et ces exigences, la pouvoir a accru, ces derniers jours, ses mesures répressives », a soutenu M. Souihli, militant des droits de l'homme, en nous annonçant la création d'un comité de soutien en faveur des grévistes. « Le premier jour de la grève, le local des grévistes, en l'occurrence le cabinet de maître Ayachi Hamami, a été encerclé par les policiers et toutes les ruelles menant vers le quartier en question était cernées. Ce n'est qu'après l'intervention des ambassadeurs des Etats-Unis et de Grande-Bretagne en Tunisie qu'il y a eu levée de boucliers et les gens pouvaient ainsi se rendre au cabinet et apporter leur soutien aux grévistes », a affirmé M. Souihli. Les grévistes ne comptent pas baisser les bras. Cette fois-ci, ils feront pression jusqu'à la satisfaction de leurs revendications. Des revendications qui consistent en la reconnaissance de toutes les associations et de tous les partis qui aspirent à une existence légale et la levée de toutes les entraves qui bloquent l'activité des associations et des partis légalement reconnus, la levée de la censure frappant la presse écrite, les publications et les sites internet par la cessation des pressions exercées sur les journalistes, l'ouverture des médias audiovisuels à tous les courants de pensée, l'institution d'une autorité indépendante et plurielle qui prendrait en charge le contrôle de ce service et enfin la remise des récépissés à tous les journaux qui en ont fait la demande pour permettre leur parution. Les contestataires demandent aussi la libération immédiate de tous les prisonniers politiques, islamistes, internautes et des jeunes injustement accusés de terrorisme. Par ailleurs, les grévistes de la faim lancent un appel à toutes les forces démocratiques, associations, partis, personnalités indépendantes, pour qu'elles se mobilisent autour de la grève, lui apportent toute forme de soutien et fassent aboutir leurs revendications.