Aucun automobiliste ne peut stationner en ville sans être apostrophé par un gardien, armé ou non d'un gourdin, qui vient lui demander le paiement d'une «taxe», imposée de force, alors qu'il s'agit d'un espace sur la voie publique, appartenant à la municipalité. Bien que ce phénomène qui a pris des proportions démesurées ait été dénoncé par les citoyens, les autorités concernées, notamment les services de la commune et ceux de la sûreté de wilaya chargée de la voie publique, n'ont guère pris les choses en main pour mettre un terme à un véritable racket qui ne dit pas son nom. Les automobilistes qui refusent de payer cette «dime», finissent par le payer chèrement. En plus des agressions dont certains ont été victimes, on ne peut pas échapper à des actes de vandalisme caractérisés. «Quand j'ai refusé de payer, je me suis fait voler par effraction des objets à l'intérieur de la voiture ; en l'absence d'une réaction des services de la police, la plupart des gens paient sans protester pour éviter des représailles», témoigne un automobiliste. Dans plusieurs quartiers de la ville, des parkings informels ont poussé comme des champignons, ces cinq dernières années, à la faveur des opérations de démolitions des bâtisses menaçant ruine, notamment dans le quartier de Belouizdad et dans la Médina, mais on les retrouve aussi dans les cités populeuses de la ville où une activité lucrative a pris naissance. «Tous les jeunes qui ont choisi ce créneau sont des chômeurs qui cherchent à nourrir leurs familles ; c'est vrai que les gens nous regardent du mauvais œil, mais on préfère garder les voitures que d'aller vers la délinquance», s'exprime Salah, qui exploite avec ses frères un parking au centre-ville. En réalité, une aire partagée par plusieurs gardiens qui s'organisent pour éviter les disputes est une source génératrice de revenus. Une véritable manne qui échappe aux services de l'APC de Constantine. «Certains parkings situés dans les endroits névralgiques de la ville peuvent accueillir plus d'une centaine de voitures, avec des recettes dépassant 5000 DA par jour», affirme un riverain du quartier de Charaâ près du fameux Souk El Asser. La question de la réorganisation de ces espaces a été examinée il y deux ans lors d'une session de l'APC. Si une opération de gestion par mise en adjudication de ces lieux au profit des jeunes sans emploi a été lancée, il y a plus d'une année, elle ne sera pas suivie de la fermeté nécessaire. Le mutisme et l'immobilisme de la mairie ont laissé le champ libre aux «racketteurs» de refuser toute organisation de l'activité et agir ainsi en violation de la loi. «Pourtant, il appartient à l'APC de gérer la voie publique conformément à la loi, et profiter de la sorte pour assurer des rentrées d'argent qui lui échappent quotidiennement en organisant les espaces de stationnement quitte à faire appel à l'intervention des services de l'ordre pour faire respecter la loi», a affirmé un ex-élu de la municipalité. Une régularisation qui s'impose La promotion d'un plan de stationnement pour une meilleure gestion locale de déplacements s'avère aujourd'hui nécessaire. Devant la poussée graduelle des lieux de stationnements illicites à travers toute la commune de Constantine, l'APC a décidé d'intervenir pour mettre fin à cette anarchie. En effet, selon un recensement récent effectué par les différents secteurs urbains de la commune, il a été enregistré pas moins de 186 lieux de stationnement illicites dont 96 sont prêts à être régularisés. Ceux-ci sont implantés, entre autres, à la cité des Mûriers, au niveau des deux gares routières, au boulevard Belouizdad (ex-Saint-Jean), à Souk El Asser, … C'est du moins ce qui nous a été communiqué par Rachid Doukari, directeur du patrimoine de la commune, qui souligne que sur les 96 stationnements, 10 ont été mis en adjudication et deux autres, se trouvant au boulevard Belouizdad, le seront prochainement. Selon notre interlocuteur, ces futurs «parkings», comme le stipule un décret ministériel, ayant vu le jour pour donner à ces derniers une assise réglementaire et juridique, seront organisés sous forme de coopératives. «Deux personnes ou plus seront chargées de la gestion de chaque parking dans un cadre purement légal», dira le directeur du patrimoine. Une soixantaine de ces jeunes gardiens, ayant fait l'objet d'une enquête par les services de police, a répondu à la demande de l'administration de fournir un dossier pour pouvoir continuer à exercer son activité légalement, et ainsi les autorités locales, par ailleurs, peuvent en maîtriser l'usage. L'on saura, à cet effet, qu'une autorisation renouvelable de 6 mois sera attribuée à chacun de ces gardiens, qui doivent être des habitants des quartiers où sont implantés ces airs de stationnement, en plus d'un salaire symbolique. Réadapter à la société la majorité de ces jeunes, dont certains avaient des problèmes avec la justice, demeure l'une des finalités de cette dynamique des pouvoirs publics.