Deux principaux événements ont contribué à la radicalisation de la position des agriculteurs : l'importation du triple concentré de tomate et la décision des conserveurs de baisser de 7 à 4 DA le prix au kilo de la tomate fraîche à partir de 2006. A partir de ce grenouillage dans la filière de la tomate industrielle, les agriculteurs ont multiplié les appels à la réorganisation. M. Ali Gouacem, sénateur, président de la Chambre d'agriculture de la wilaya de Tarf et vice-président de la Chambre nationale d'agriculture, a été chargé de ce dossier. Ce mardi, la colère était visible dans le milieu des représentants des agriculteurs des wilayas de Annaba, Guelma, Tarf et Skikda. Sur quelles bases économiques, avec quel programme et pour quels objectifs cette filière devrait-elle être réorganisée ? La course de vitesse est ainsi engagée pour sauver ce qui peut l'être de la culture de la tomate industrielle. Experts et techniciens du monde agricole s'accordent à dire que l'expansion unilatérale et forcenée des importations, si elle a soutenu l'enrichissement de certains transformateurs, a des conséquences désastreuses dans les campagnes. Selon eux, l'on a enregistré un appauvrissement des agriculteurs, le renforcement de la mainmise des transformateurs sur les prix, le développement inégal conduisant à la pauvreté et à la marginalisation d'une importante partie de la population rurale et un exode avec constitution de zones suburbaines peuplées de marginaux sous-employés. l'ensemble des revendications « Ce n'est pas notre affaire », semblent vouloir dire certains transformateurs convertis en importateurs de triple concentré de tomate. « Si des conserveries ont fermé c'est parce qu'elles ont été mal gérées. Celui qui a écrit ce rapport à soumettre au ministre est un taghout que je poursuivrait pour diffamation », a martelé un d'entre eux devant une assistance composée de représentants d'agriculteurs, de conserveurs et autres services. En prise directe avec une mévente chronique de leurs produits induite par une importation en quantité du concentré de tomate de Chine et d'ailleurs, les portes des exportations leur étant fermées suite à un prix de revient usine le plus élevé du monde, le concentré de tomate algérien n'a pu rester compétitif au plan national, régional et international. D'où la revendication de l'ensemble des agriculteurs à l'application d'une prime incitative. Elle devrait bénéficier à tous les agriculteurs producteurs de tomate industrielle, affirment les experts. Ils ont balayé d'un revers de la main le fallacieux argument avancé par le conserveur importateur quant à la question de « qui devra gérer cette prime incitative ». Rappelons qu'une prime similaire est versée aux éleveurs de la filière lait et aux producteurs de tabac. C'est dans ce cadre qu'un rapport état des lieux a été établi pour être soumis au ministre de l'Agriculture avant la fin du mois d'octobre 2005. Un rapport où le versement d'une prime incitative est fortement recommandé tout autant que la création d'un observatoire de la tomate industrielle et l'intervention de l'Etat en tant que force régulatrice.Ces recommandations, comme tout le contenu qualifié de très pertinent par les agriculteurs, n'ont pas été du goût du conserveur importateur, apparemment horripilé par l'éventualité de l'application de la prime incitative. Pour les agriculteurs comme pour les experts et les techniciens, elle servirait d'arme défensive pour la protection de la production nationale du concentré de tomate et son exportation, le développement de la filière de la tomate industrielle et, au plan social, la sauvegarde du pouvoir d'achat des consommateurs. Les mêmes interlocuteurs ont estimé que les prétextes avancés par le conserveur ne résistent ni à une analyse sérieuse ni à l'examen objectif des faits. Les risques de la disparition totale de la culture de la tomate industrielle, comme ce fut le cas pour le coton et l'intérêt national, seraient le dernier souci de ceux qui affirment le contraire. Dans cette filière de la tomate industrielle et du concentré de tomate, les perspectives d'avenir apparaissent encore sombres pour la grande majorité des agriculteurs. La situation risque fort de se dégrader dans les prochains jours.