L'on n'a de cesse de répéter à l'envi un phénomène qui semble prendre de l'épaisseur, surtout lors du mois sacré. Si pour certains jeûneurs, la chaleur les invite à échapper aux dards de l'astre flamboyant en ce mois aoûtien pour se cloîtrer dans leurs bureaux, meubler leur temps à flâner par-ci par-là dans les souks, d'autres en revanche ne ratent pas l'opportunité de tuer le temps dans un lieu cultuel. Un endroit sacré dans lequel ils se réfugient l'intervalle de l'observance du jeûne. Qui dort dîne, dit à juste titre l'adage. Mais il n'est pas moins faux que celui qui dort jeûne aussi, serions-nous tenté de croire par extension. Et la planque idéale semble tout indiquée : la mosquée. Un espace qui, pourtant, invite le fidèle à l'acte d'adoration, s'abstraire du monde profane pour se replier sur la vie intérieure, charger ses accus, réfléchir et plonger dans une atmosphère religieuse devant le Tout-Puissant. Nenni, cette catégorie de dormeurs invétérés ne l'entend pas de cette oreille. Elle n'a que faire de l'esprit méditatif que procure le lieu de culte qui nous permet, à l'évidence, de faire un retour sur soi. Une virée après l'heure de zénith dans l'une des plus anciennes mosquées de la ville d'Ibn Mezghenna (Djamaâ El Kebir) nous conduit à faire l'amer constat d'une gent qui ronfle à tout rompre dans une apnée du sommeil pendant que d'autres irrévérencieux caquètent et gazouillent au point de confondre le lieu sacré à un café, quitte à briser la quiétude de quelques fidèles qui ont l'œil rivé sur la lecture du Livre sacré. On se serait cru dans un hammam ou un couvoir tant l'espace de prière et de recueillement est squatté par une procession de pantouflards qui n'en ont cure de la sacralité des lieux, une scène qu'on ne risque de voir ni dans une église ni dans une synagogue. Je ne m'avancerai pas trop en disant que ce décor nous renvoie à une certaine image, celle du triste épisode de la ville de Hallabja où les victimes «gazées» gisaient à même le sol, me lançait mon ami Kamel, sur un air d'ironie mêlé de zeste de dépit. Le hic est que l'intendant, relevant de la Nidhara, chargé de mettre de l'ordre dans la Maison de Dieu, brille par sa nonchalance et n'ose rappeler à l'ordre ces dormeurs avachis étalant leur «viande» sans retenue aucune. Ainsi vont certaines de nos mosquées fréquentées par des jeûneurs d'un autre acabit, dont le comportement est, le moins qu'on puisse dire, aux antipodes des valeurs de l'Islam.