Alors que le débat sur l'identité nationale n'a pas fini de déchirer la France, Ariane Ascaride, comédienne fétiche de Robert Guédiguian, a présenté, dimanche sur France 2, Ceux qui aiment la France », son premier film en tant que réalisatrice. Lyon De notre correspondant Lorsqu'en 2009 la comédienne Ariane Ascaride commença le tournage de son premier film Ceux qui aiment la France, le débat sur l'identité nationale n'avait pas encore été dégoupillé. Pourtant la grenade explosive était déjà lancée, depuis la campagne présidentielle de 2007 et la création par le président Sarkozy d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, un sulfureux et détonnant mélange capable de faire éclater n'importe quelle unité nationale, malgré les garde-fous démocratiques qui cèdent devant le flot d'attaques sournoises contre ce qui n'est pas tout blanc, ou pas français de longue date. La comédienne-réalisatrice estime qu'en tant que petite-fille d'immigré napolitain, le sujet du film, tourné à Marseille, sa ville natale, lui tenait à cœur. «Il y avait en moi presque une double identité». Ce film, engagé, comme l'est sa réalisatrice depuis toujours, dresse ainsi sous forme de conte, un état des lieux d'une réalité terriblement actuelle et malheureusement cruelle. Les téléspectateurs ont découvert l'univers troublé d'une petite fille, Amina, arabe, fille d'une famille de sans-papiers, qui se pose des questions sur son parachutage sur cette terre étrangère qu'elle fait cependant sienne, au point de rejeter son origine, pour en plaquer une autre, illusoire. Le temps d'un été et d'une rentrée au collège, Amina va vivre des milliers de chamboulements : l'agression de son père sur un chantier, ses premiers émois avec Mourad, le dépôt de la demande de régularisation, les préparatifs d'un hypothétique voyage scolaire en Angleterre… Avec le soutien d'une voisine, Amina prépare déjà un avenir radieux en France avec sa famille… Mais quand on est illégal, l'avenir ne suit pas le cours des belles rencontres, elle est suspendue au cachet d'une préfecture, dans un pays qui ne l'aime pas. On imagine le mal être, hélas denrée largement partagé par les personnes dans sa situation. La production met en avant cette douloureuse prière d'Amina : «Cher Dieu, Je m'appelle Amina et j'ai 11 ans et demi. Je ne crois pas en toi mais je dois parler à quelqu'un, parce qu'à force de me taire, je ne dors plus la nuit. J'ai des sueurs. Je ne sais pas comment c'est venu. Je me déteste, mais rien n'y fait, ça continue. J'aime pas les Arabes. J'aime pas les Arabes, sauf ma famille. Et encore, seulement mes parents, et mes trois frères. C'est tout. Les autres je les déteste. Je ne les supporte pas. Je suis raciste. Je trahis mon père et ma mère. Je suis une honte pour l'humanité. Je mérite de mourir...Mais je ne meurs pas, ce qui est peut-être une preuve que tu n'existes pas» Pour Ariane Ascaride, le personnage en souffrance d'Amina «n'a pas envie d'appréhender la réalité telle qu'elle est, elle veut toujours l'imaginer à sa manière, plus protectrice». Elle ira même jusqu'à s'adresser au président de la République, lui disant, en citant Victor Hugo, tout l'attachement qu'elle porte au pays. Le film, traité à la manière d'un conte, fait basculer le réalisme dans un univers plus acceptable, ce qui ajoute au trouble. Ceci n'empêche certes pas de réfléchir au fond réel : un pays où les repères de l'intégration sont perturbés ces dernières années par le rejet de certaines couches de la population française, un rejet mis à profit et exacerbé par la politique en vigueur depuis 2007. Cela, plus d'un film, mérite bien de tirer la sonnette d'alarme au pays des droits de l'homme.