Au moins 54 personnes ont été tuées hier dans deux attentats suicide visant les minorités religieuses chiites et ahmadis, cibles fréquentes des talibans alliés à Al Qaîda au Pakistan depuis trois ans. Le bilan aurait pu être bien plus lourd sans la présence d'esprit de policiers qui gardaient un lieu de culte Ahmadi à Mardan, petite ville du nord-ouest non loin des fiefs talibans : ils ont ouvert le feu sur un suspect qui tentait de forcer l'entrée du bâtiment où priaient une trentaine de fidèles. L'homme a fait exploser sa bombe sur le trottoir, tuant un passant et en blessant quatre autres, a déclaré le chef de la police locale, Waqif Khan. «Un peu plus tard, à Quetta, la grande capitale de la province du Baloutchistan, dans le sud-ouest, un autre kamikaze a déclenché sa veste remplie d'explosifs au beau milieu d'un rassemblement de chiites à l'occasion d'une manifestation anti-israélienne et de soutien aux Palestiniens», selon Mohammad Shaban, le chef de la police criminelle de la ville. Un cycle infernal «Au moins 42 personnes ont péri et plus de 70 ont été blessées», a déclaré Ghulam Shabir, le chef de la police de Quetta, la capitale de la province du Baloutchistan. Plus de 3600 personnes ont été tuées en trois ans dans près de 400 attentats suicide pour la plupart perpétrés par les talibans alliés à Al Qaîda ou des groupes qui leur sont liés. Ils ont déclaré à l'été 2007 la «guerre sainte» à Islamabad pour son soutien à Washington et visent régulièrement les forces de sécurité, les bâtiments officiels, mais aussi, de plus en plus, les civils. Les chiites, qui représentent à peine 20% de la population, sont également une des cibles privilégiées des talibans et de leurs alliés, d'obédience sunnite, comme près de 80% des quelque 170 millions d'habitants du Pakistan. Les Ahmadis, aussi appelés Qadianis, vivent, eux, en cachant leur appartenance, il est donc difficile d'évaluer leur nombre. Leur obédience prône un islam moderniste et libéral et joue un rôle principalement dans le développement et l'aide aux défavorisés. La communauté Ahmadiya est considérée par les autres principales écoles de l'islam – sunnite et chiite – comme non musulmane, voire hérétique. Ses fidèles n'ont officiellement pas le droit de pratiquer ouvertement leur culte au Pakistan, à l'instar d'autres pays musulmans. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) les a déclarés non musulmans en 1973, leur interdisant le pèlerinage à La Mecque. Mercredi soir, un triple attentat visant une procession chiite à Lahore, la grande ville de l'est, avait fait 31 morts et près de 200 blessés dans une foule compacte qui s'apprêtait à rompre le jeûne du Ramadan. Le 1er juillet, à Lahore aussi, un double attentat suicide dans un mausolée soufi – une autre école de pensée musulmane honnie par les radicaux – avait fait 43 morts parmi d'innombrables pèlerins. Et le 28 mai dans la même ville, des kamikazes avaient fait exploser leurs bombes dans deux mosquées des Ahmadis, tuant 82 personnes. La campagne d'attentats qui ensanglante le Pakistan depuis l'été 2007 est essentiellement conduite par le mouvement des talibans du Pakistan (TTP), qui a fait allégeance à Al Qaîda en 2007 et qui, à l'unisson d'Oussama ben Laden, a décrété la même année le «jihad», la guerre sainte, au pouvoir pakistanais.