Jeûner, méditer, résister aux tentations tout en travaillant, tel est le défi relevé par près de 64 000 musulmans en Suisse romande durant le Ramadhan. Ils sont nombreux à déclarer vivre une expérience spirituelle profonde tout en continuant de remplir leur devoir professionnel, que ce soit devant un ordinateur, à la crèche ou aux fourneaux. Mais vivre le Ramadhan dans une société occidentale n'est pas toujours simple. Les musulmans doivent parfois demander des dérogations à leur patron pour pouvoir être à l'heure à la maison, et rompre ainsi le jeûne en communauté, comme le veut la pratique. « La majorité des employeurs autorisent leur personnel musulman à arriver plus tôt le matin et partir plus tôt le soir afin qu'ils puissent rompre le jeûne en famille à 19 h 15, explique Hafid Ouardiri, porte-parole de la mosquée de Genève. Mais si l'employeur se montre moins compréhensif, le musulman doit savoir s'adapter aux pratiques de la société dans laquelle il vit, sans pour autant manquer à son devoir spirituel. » Ainsi, l'une de ses connaissances emporte des dattes et du lait dans son sac afin de pouvoir manger dans le train à l'heure de la rupture. Afin d'intensifier leur relation avec Dieu, certains employés sont autorisés à aménager un lieu de prière au bureau. Ceux qui travaillent dans la restauration se relaient en cuisine ou rattrapent leurs prières en rentrant. Le Ramadhan et le travail ne s'opposent pas pour les musulmans. « Le travail est la spiritualité, relève Hafid Ouardiri. Il participe au bien de la société, il est une pratique religieuse dans le sens où l'âme et le corps s'engagent et parce qu'il embrasse toutes les dimensions humaines. » Remplir ses devoirs professionnels le ventre vide n'est pas un problème, selon le porte-parole : « L'énergie ne vient pas du ventre. Quand on jeûne, l'énergie vient du cœur et de l'esprit et permet de créer une relation intime avec Dieu, quelle que soit l'activité ». « Ce n'est pas facile de faire le Ramadhan au travail dans un contexte suisse, explique Djamila Kerim-Ibrahim, 21 ans, stagiaire dans une petite entreprise genevoise. Surtout lors des pauses-café, lorsque je suis seule à ne rien boire. » Pour rompre le jeûne, une fois la nuit tombée, elle se rend chez ses parents. « C'est important d'être en communauté. On se sent compris. De cette façon, même sur mon lieu de travail, je me sens moins seule, car je sais que mes proches vivent la même chose. »