La ville d'Arzew a vécu hier une après-midi insurrectionnelle pire que celle de la révolte citoyenne des jeunes d'un certain octobre 1988. Juste après l'inhumation du jeune Abaïdi Mohamed dit H'mida, tué lundi dernier par balle, une foule compacte s'est dirigée droit sur la ville. Au cimetière déjà, la foule a pris à partie les officiels venus assister aux obsèques. De nombreux édifices publics ont été mis à sac, à commencer par le siège de l'APC partiellement saccagé, le stade municipal, l'antenne de l'OPGI de la cité des 226 Logements, la station Naftal en plein centre-ville, la maison de jeunes de la cité Sorecor et la salle omnisports du quartier des Jardins pas encore inaugurée. Les fauteuils, les sièges et la boiserie ont été calcinés. Un joyau dont le coût de réalisation avoisine les 30 milliards de centimes. En fait, la ville d'Arzew offrait un visage de désolation sans pareil dans les annales. Toutes les artères menant au centre-ville ont été barricadées par des blocs de pierre et des poteaux électriques. Les fumées émanaient de tous les coins de la ville qui rappelait étrangement « Ghaza ». Les quartiers des Jardins et de la Guetna, la cité des Chevriers, celle des Plateaux ont été investis par des groupes de jeunes qui balançaient toutes sortes de projectiles. La route menant vers la cité Ahmed Zabana a été, une fois de plus, coupée à la circulation par de nombreux poteaux électriques et des feux allumés sur la chaussée. Les éléments des brigades antiémeute, pourtant postés dès la veille dans les endroits les plus stratégiques de la ville, ne savaient plus où donner de la tête, tant la pression, les « attaques » et les jets de pierres fusaient de partout. L'atmosphère était irrespirable, vu l'ampleur et le nombre impressionnant de bombes lacrymogènes lancées en direction des émeutiers. En une après-midi, Arzew était devenue une ville morte. Les commerces fermés, les automobilistes ayant fui la ville de peur de subir les foudres des jeunes révoltés qui s'attaquaient à tout. Les éléments de la BMPJ se sont postés aux abords du siège de la sûreté de daïra et de la daïra pour les protéger de la rage destructrice des émeutiers. Pourtant, en début de soirée de lundi, le directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, accompagné du wali d'Oran, a fait un déplacement éclair à Arzew où il a présenté, au siège de la daïra d'Arzew, ses condoléances à la famille de la victime. Se voulant rassurant, Il s'est cependant contenté de déclarer à l'assistance qu'une enquête serait aussitôt diligentée pour déterminer les responsabilités de chacun. Laissant sous-entendre que « le seul responsable est l'auteur du coup de feu ayant arraché la vie au jeune H'mida et non pas l'Etat ». Ceci dit, déjà lundi dernier, juste après la rupture du jeûne des échauffourées ont éclaté entre les jeunes des cités-dortoirs de la ville et les forces de l'ordre jusque tard dans la nuit. Tout au long de la journée de folles rumeurs se sont propagées comme une traînée de poudre faisant état de la mort de quatre jeunes. Une source interne à la sûreté de daïra d'Arzew nous confiera qu'il n'y a eu aucun décès ni arrestations au cours de la journée d'hier. En tout état de cause, de nombreux citoyens, la mort dans l'âme, regrettent que suite à une décision, de l'avis de tous, « hâtive et irréfléchie » sous prétexte de mettre fin au commerce illicite et informel, la ville d'Arzew a subi, en l'espace de vingt-quatre heures, plusieurs milliards de dégâts matériels, plus d'une vingtaine de blessés et un jeune homme ravi aux siens à la fleur de l'âge.