Noam Chomsky s'est tellement engagé dans la politique que peu de gens savent qu'il est avant tout un linguiste visionnaire qui a révolutionné la vieille vision de l'évolution des langues humaines qui a prévalu jusqu'au début du XXe siècle. Né en 1928 à Philadelphie (USA), il fut l'élève de Z. Harris et subit l'influence de R. Jacobson. En 1954, il devient professeur de linguistique au Massachussets Institute of Technologie (MIT) et découvre la logique mathématique et la cybernétique. A partir de ce moment-là, il fait le lien entre la structure de la langue et la structure de la mathématique et qu'il considère comme une simple langue dans sa thèse qu'il présente en 1955 sous le titre : « Transformational Analysis ». En 1956, il publie son œuvre majeure : The logical structure of linguistic Théory. A partir de ces deux matrices, Noam Chomsky révolutionne la linguistique et bouleverse les travaux de ses maîtres Harris et Jacobson, en proposant une description générative pour toute phrase, par une suite de « règles de réécriture, à l'infini ». Ces règles de réécriture vont aboutir à une structure profonde et à une structure superficielle en même temps. C'est ce paradoxe qui va ouvrir à Noam Chomsky et aux autres linguistes, un champ d'investigation infini. Grâce à Chomsky, la linguistique va devenir un modèle dans toutes les universités du monde, où la technique linguistique va recouvrir le sens du texte et effacer pendant longtemps toute textualité. Cela au grand désarroi de Chomsky qui ne pensait qu'à approfondir la langue, la disséquer et la mettre en équations mathématiques, ce qui permettrait à certains de gommer la textualité, et de là, toute notion de créativité littéraire. On a vu cette mode linguistique envahir les universités algériennes qui se sont ainsi débarrassées du texte littéraire porteur nécessairement de sens politique, historique et poétique. C'est peut-être cette déviation perverse d'un outil pourtant utile et nécessaire qui va pousser Noam Chomsky à s'engager politiquement dans le sens de l'extrême gauche marxiste. Ce sera d'abord la guerre du Vietnam qui le poussera à devenir le chef de file des opposants les plus virulents à cette guerre. Puis Chomsky s'opposera à la guerre d'Algérie et à toutes les guerres coloniales. Et puis, pour ce juif de Philadelphie, son opposition aux exactions israéliennes dans les territoires palestiniens va le rapprocher des intellectuels palestiniens les plus brillants parmi lesquels Emile Habibi, Halim Barakat et surtout Edouard Saïd, qui a exercé comme professeur à Columbia University et qui va devenir son meilleur ami. Dès les années 1960, Chomsky, qui n'a alors que la trentaine, va être pris d'une boulimie d'écrire des textes politiques d'une qualité et d'une rigueur exceptionnelles. Vilipendé par les sionistes du monde entier, il n'en continuera pas moins à l'instar de Sartre (l'autre juif) à alpaguer toutes les injustices commises par l'impérialisme américain d'abord et par tous les autres impérialismes. Mais le combat politique et éthique qu'il mènera, et qu'il continue à mener encore aujourd'hui à l'âge de 77 ans, ne tarira pas sa passion de la linguistique, puisqu'en pleine guerre du Vietnam par exemple, il publiera coup sur coup deux livres, exceptionnels : La linguistique cartésienne (1966) et Langage et pensée (1968). Dans ces deux livres devenus les Bibles des linguistes et des grammairiens, apparaît la théorie de Chomsky selon laquelle il résulte que le langage est inné et qu'il fonctionne sur un schéma fixe inné et universel, valable pour toutes les langues du monde. Ainsi, la linguistique est devenue une philosophie dans le sens kantien du terme. C'est donc cette passion du langage humain qui va mener Noam Chomsky à la passion de l'humain et qui le poussera à dire à sa propre race (ou à sa propre culture ?) juive qu'elle n'a pas toujours raison.