Le rapport annuel de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'homme, programme conjoint de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH) et de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), qui accompagne, suit, et protège tout au long de l'année les défenseurs, a été publié hier pour relater les atteintes aux droits de l'homme recensées dans le monde pour l'année 2009. Le cas de l'Algérie, qui est cité dans le chapitre réservé aux pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, dévoile une tendance à stéréotyper ou calquer les restrictions aux libertés connues dans le monde arabe. L'Algérie, qui tenait jusqu'à il y a quelques années à donner une façade de «liberté» aux défenseurs des droits de l'homme, est aujourd'hui entièrement replacée dans le giron des francs agresseurs des libertés. «Sans surprise, les élections présidentielles en Algérie et en Tunisie ont maintenu en place les présidents sortants, et ce, grâce à des amendements constitutionnels introduits au mépris du principe de l'alternance au pouvoir, lequel constitue l'une des garanties d'un système démocratique. Ces élections ont donné lieu à diverses mesures visant à affaiblir les principales figures de l'opposition à travers l'adoption de mesures répressives et le musellement de toute voix contestataire», souligne le rapport de l'OMCT, comme pour planter le décor d'une année 2009 particulièrement dure pour les défenseurs des droits de l'homme. Evoquant le contexte politique algérien, le rapport indique le maintien de l'état d'urgence, comme dans certains régimes arabes, qui soumet les défenseurs des droits de l'homme et toute voix dissidente à une législation d'exception qui porte atteinte aux droits et libertés fondamentales et entrave le droit aux libertés d'association et de rassemblement pacifiques. Prenant le pouls de la liberté d'expression, l'OMCT note que «bien que les journaux privés bénéficient d'un espace plus libre que l'Entreprise nationale de télévision (ENTV), chaîne de télévision unique et étatique, les lois répressives sur la presse, la dépendance des journaux vis-à-vis des revenus de la publicité du secteur public et d'autres facteurs limitent leur liberté de critiquer le gouvernement, l'armée et l'élite politique et économique. Les lois sur la presse prévoient notamment des peines de prison assorties d'amendes pour diffamation et pour insultes aux représentants du gouvernement et aux institutions de l'Etat». Ceci et de rappeler l'interdiction faite d'évoquer les événements de la décennie noire qu'a connue le pays. «Les autorités algériennes refusent ainsi de faire un travail de justice et de mémoire sur les événements de ce conflit», indique le rapport. Ce dernier énumère, comme signe de durcissement, l'adoption par l'Assemblée populaire nationale en juin 2009, la loi sur les règles particulières de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l'information et la communication. «Les dispositions très générales de cette loi laissent craindre l'utilisation de cette loi pour surveiller et réprimer des activités de défense des droits de l'homme», souligne le texte rendu public hier. Interdictions de rencontres sur les droits de l'homme Braquant ses projecteurs sur l'atteinte à la liberté d'association, le rapport note que «les autorités algériennes ont continué d'empêcher les organisations de défense des droits de l'homme d'obtenir une reconnaissance légale. Certaines associations se voient ainsi refuser au moment de la notification de la constitution de l'association la délivrance du récépissé réglementaire, sans lequel elles ne peuvent prétendre à la personnalité juridique et ne peuvent par conséquent mener leurs activités. Le régime déclaratif prévu par la loi se transforme ainsi dans la pratique en régime d'autorisation préalable». Le même rapport relève aussi que les autorités algériennes «interdisent fréquemment la tenue de réunions portant sur des questions de droits de l'homme, violant ainsi l'article 19 de la Constitution, qui garantit la liberté de réunion pacifique. Ainsi, le 16 juillet 2009, les autorités ont interdit la tenue d'un colloque portant sur "la mémoire des victimes pour la reconstruction d'une société", organisé dans la maison des syndicats à Alger par la coalition des associations des victimes de l'Etat et des victimes du terrorisme». De plus, ajoute le document, dans une décision non motivée et datée du 25 mai 2009, les services de la Direction de la réglementation des affaires générales (DRAG) de la wilaya d'Alger ont interdit la tenue d'un séminaire de formation pour les journalistes portant sur «le rôle du journaliste dans la protection des droits de l'homme». Ce séminaire, organisé par la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) devait se tenir à Zéralda, à l'ouest d'Alger, les 26, 27 et 28 mai 2009, et rassembler 25 journalistes venant de différentes villes. Ceci et de souligner que la LADDH a reçu une notification écrite non motivée des services de la DRAG lui interdisant de tenir une «Rencontre nationale sur l'abolition de la peine de mort» qui était prévue pour le 10 octobre afin de célébrer la Journée internationale pour l'abolition de la peine de mort. La liberté syndicale est aussi citée comme cible des atteintes. «En 2009, la liberté syndicale a continué de ne pas être assurée, les personnes qui tentent de former un syndicat étant soumises à de fortes pressions». Et de noter que «plusieurs rassemblements pacifiques organisés par des syndicats ont été dispersés, parfois de façon brutale, par les forces de l'ordre et les manifestants ont fait l'objet de poursuites judiciaires». Les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes ont aussi fait les frais d'une cabale judiciaire sans précédent, indique le rapport.