L'Algérie connaît un « durcissement du climat de surveillance » de la population et de la société civile depuis 2009. C'est ce que pointe du doigt l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'homme – un organisme créé par la Fédération internationale des droits de l'homme - dans son rapport 2010, publié lundi 13 septembre. Ce durcissement touche notamment la presse, dénonce l'Observatoire, qui donne les exemples des journaux français (L'Express, Marianne et le Journal du Dimanche) interdits pendant l'élection présidentielle de 2009 et des deux journalistes marocains, arrêtés à la même période, interrogés, et libérés après l'intervention de l'ambassade du Maroc. Les journalistes sont également visés lorsqu'ils enquêtent sur des dossiers de corruption. L'observatoire dénonce le « harcèlement » dont ils sont victimes. Il cite plusieurs cas, notamment celui de Hafnaoui Ghoul, responsable de la section de la LADDH a Djelfa, au sud d'Alger, et journaliste pour le quotidien al-Wassat, agressé après une enquête sur les agissements de certains cadres de la wilaya, dont la plainte n'a jamais été instruite par la justice et qui a même été condamné pour diffamation.L'organisation émet aussi de fortes réserves sur la loi sur la cybercriminalité votée en juin 2009 dont les « dispositions très générales laissent craindre l'utilisation de cette loi pour surveiller et réprimer des activités de défense des droits de l'Homme ». L'Observatoire dénonce également la « mise à mal » de la liberté d'association, qui touche notamment les associations qui œuvrent pour faire la lumière sur les disparitions de la décennie noire. Il note que SOS Disparu(e)s n'a toujours pas obtenu son agrément, tout comme l'AMEDJ à Jijel. D'une manière générale, tous les acteurs activant dans le domaine de la défense des droits de l'homme font l'objet de difficultés en Algérie, explique l'Observatoire, qui pointe du doigt notamment les interdictions de réunions. « Les autorités algériennes ont continué d'interdire fréquemment la tenue de réunions portant sur des questions de droits de l'Homme, violant ainsi l'article 19 de la Constitution, qui garantit la liberté de réunion pacifique », est-il noté dans le rapport. Cela a par exemple été le cas pour le colloque portant sur “la mémoire des victimes pour la reconstruction d'une société”, organisé dans la maison des syndicats à Alger par la Coalition des associations des victimes de l'Etat et des victimes du terrorisme dont SOS-Disparu(e)s, “Somoud”, “Djazairouna”, le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA) et la Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED). Même chose pour la LADH qui n'a pu organiser à Zéralda une formation sur « le rôle du journaliste dans la protection des droits de l'Homme ».Dans certain cas, les difficultés sont bien plus graves. L'Observatoire dénonce ainsi les « actes d'intimidation » et le « harcèlement judiciaire » à l'encontre de Kamel Eddine Fekhar, militant de la LADDH à Ghardaïa, à l'origine de l'appel à l'officialisation du rite ibadite en Algérie. « Son arrestation serait due à ses activités en vue de la reconnaissance des droits des citoyens mozabites », écrit l'Observatoire.Enfin, le rapport critique fortement les « obstacles à la liberté syndicale et le harcèlement judiciaire à l'encontre des syndicalistes » qui font qu' «en 2009, la liberté syndicale a continué à ne pas être assurée ». L'Observatoire dénonce les « pressions » auxquelles sont soumises les personnes voulant créer un syndicat, comme Yacine Zaid, licencié et en proie à plusieurs plaintes de son ancienne entreprise. Il pointe du doigt également la répression faite aux rassemblements pacifiques organisés par les syndicats « dispersés, parfois de façon brutale par les forces de l'ordre ».