Après la fébrilité qui s'est emparée des rues de la capitale pendant le mois sacré, notamment les jours qui ont précédé les fêtes de l'Aïd, la ville semble se complaire dans sa torpeur. Elle tombe en léthargie. Place au farniente et au repos d'une activité commerciale qui contraste avec le grouillement des enfants qui renouent avec le banc de l'école. Difficile à la ménagère de s'offrir une baguette de pain chez le «khebaz» du coin. Celui-là même qui se plaint de l'absence prolongée de l'ouvrier parti au bled festoyer. Certains boulangers évitent le rush dans leurs magasins et refilent, toute honte bue, les paniers de pain aux petits revendeurs qui font florès. Baisser de rideau aussi chez le boucher attitré et éventaires pleins de vide dans le souk ou le marché dit communal. Après avoir fait leurs choux gras et bien rempli leur gibecière pendant le 9e mois lunaire, les commerçants préfèrent entrer en hibernation, le temps de recharger leurs accus. Ceux qui alimentent le marché de gros mettent le valet sur le maillet et les petits distributeurs observent une halte. Ils lèvent le pied le temps que les maillons de la chaîne se dégrippent pour se remettre en selle. Les supérettes ne sont pas en reste. Elles n'ouvrent leurs portes que pour proposer les restes de rayons timidement achalandés, en attendant que leurs fournisseurs daignent bien se secouer pour les alimenter. A croire que le moindre effort supplémentaire de nos commerçants ne soit rebutant. Pourtant, les responsables du département du commerce ont beau nous seriner, dans le média lourd — comme chaque année, d'ailleurs — que les établissements restent ouverts, du moins fonctionneront pendant les fêtes à tour de rôle, pour ne pas pénaliser les chalands. Mais le ralentissement général des activités se fait sentir et plus encore au niveau de certains services où le vide est criant. «Il faudra compter au moins une semaine pour que l'activité reprenne son cours normal», me lance un vieux aigri par la nonchalance manifeste d'un marchand de fruits et légumes qui lui refile pratiquement du rebut. Même les produits qui, d'habitude meublent les trottoirs en abondance, se font rares. Le marché informel déserte relativement et temporairement les espaces publics et les indélicats marchands «maquignonnent» leurs étals, tout en faisant grimper les prix vu la rareté du produit. Et rebelote pour la prochaine fête…