L'Union européenne (UE) a dégagé 500 millions d'euros en 2009 pour appuyer des programmes de réforme et de mise à niveau dans plusieurs secteurs, comme la justice, l'administration, l'agriculture, le commerce, les technologies de la communication, la prospective… Le dernier rapport annuel de la coopération UE-Algérie, publié à Alger par la délégation de l'Union, rend compte de cela. Il y est précisé que Bruxelles appuie les réformes économiques et veut contribuer à consolider l'Etat de droit. Liée à l'Algérie par un accord d'association négocié, côté algérien, dans la précipitation, l'UE a dégagé 10 millions d'euros pour la mise en œuvre de cet accord à travers le programme P3A. «Le P3A est conçu pour appuyer l'administration algérienne et toutes les institutions contribuant à la mise en œuvre de l'accord d'association, en apportant à celles-ci l'expertise, l'assistance technique et les outils de travail nécessaires à la réalisation des objectifs de l'accord », est-il précisé dans le rapport. Mais les choses semblent évoluer trop faiblement pour que les objectifs soient réellement atteints. A titre d'exemple, l'UE a critiqué la faiblesse de la régulation du commerce extérieur par les autorités algériennes. Sans une réelle et efficace régulation des importations et des exportations, l'intégration projetée à la zone de libre-échange sera impossible pour l'Algérie. En juin 2010, Alger et Bruxelles ont fait le point à travers le Conseil d'association de l'application de l'accord. «Et l'évaluation a montré que les objectifs souhaités n'ont pas été atteints, puisque l'accord a profité plus à l'Union européenne qu'à l'Algérie», a déclaré dernièrement Mustapha Benbada, ministre du Commerce, lors d'un entretien au quotidien Horizons. Non-respect des engagements M. Benbada reprend presque mot à mot les propos de son prédécesseur El Hachemi Djaâboub qui, il y a quelques mois, a mis en colère plusieurs hauts responsables à la Commission européenne. «L'Union européenne n'a pas respecté ses engagements, écrits pourtant noir sur blanc dans l'accord. Elle s'est engagée à aider l'Algérie à adhérer à l'OMC, elle ne l'a pas fait. Plus grave encore, les problèmes qui se dressent dans le processus de négociation avec l'OMC proviennent de ceux qui sont censés être nos meilleurs partenaires», avait déclaré El Hachemi Djaâboub. Bruxelles a utilisé les mécanismes habituels de la diplomatie pour tenter de «vider» ces accusations. Stefan Füle, commissaire européen en charge de l'élargissement de la Politique de voisinage, est venu à Alger en juin dernier pour dire que les résultats de l'application de l'Accord d'association sont «notables». «Pour le commerce, le démantèlement tarifaire a été immédiat et total pour ce qui concerne les exportations algériennes vers l'UE, sauf quelques produits agricoles et agroalimentaires sensibles qui ont fait l'objet de quotas. Par contre, pour les exportations de l'UE vers l'Algérie, ce démantèlement, qui est mis en œuvre comme prévu par l'accord, est progressif et n'entrera totalement en vigueur qu'à partir de 2017», a-t-il indiqué. Mustapha Benbada a annoncé que l'Algérie va utiliser les articles 9 et 11 de l'Accord d'association en introduisant de nouvelles dispositions quant aux calendriers de démantèlement. «La requête de l'Algérie sera transmise avant fin septembre au partenaire européen qui a reconnu, il faut le dire, ce droit», a-t-il dit. L'article 9 de l'Accord d'association porte sur l'élimination progressive des droits douaniers sur les produits et prévoit une révision du calendrier de démantèlement «en cas de difficultés graves pour un produit donné». 2 milliards de dollars de pertes L'article 11 a trait aux «mesures exceptionnelles à durée limitée» accordées à l'Algérie pour des industries naissantes ou à des secteurs en restructuration. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a parlé, il y a quelques mois, de pertes fiscales estimées à 2 milliards de dollars, 5 ans après l'application de l'Accord d'association. A Bruxelles, on estime qu'un démantèlement tarifaire se traduit toujours par des pertes de recettes fiscales sur le court terme pour les deux partenaires concernés. «La politique entreprise par le gouvernement algérien est une libéralisation des échanges et un programme de réformes économiques visant à créer des emplois, à attirer les investissements et l'innovation technologique, à diversifier l'économie du pays. C'est sur cette base et dans le moyen et long termes qu'il faut estimer l'impact d'un tel accord, a fortiori lorsqu'il prévoit une période d'adaptation de 15 ans», a expliqué Stefan Füle. A première vue, Alger et Bruxelles ne parlent pas le même langage. Côté algérien, on estime que l'UE ne doit pas considérer l'Algérie comme «un simple marché». A Bruxelles, on relève que les investissements européens ont quintuplé entre 2005 et 2008 pour atteindre les 1,20 milliard de dollars. Et on ajoute que l'Algérie n'a pas profité des contingents tarifaires qui lui ont été consentis pour les produits agricoles. On ne sait rien sur le calendrier relatif au lancement des négociations sur l'agriculture et les services. Les dernières mesures économiques portées par les deux lois de finances complémentaire, 2009 et 2010 (des ordonnances votées sans débat parlementaire), risquent de compliquer davantage les rapports et approfondir l'incompréhension. Mercredi soir, la ministre déléguée de l'Economie, de l'Industrie de la Bavière allemande, Katja Hessel, a estimé que les conséquences de ce type de mesures sont négatives. «Les entreprises allemandes veulent investir et entrer en partenariat avec des entreprises algériennes, mais à cause des problèmes dans cette loi de finances complémentaire, elles sont réservées», a-t-elle annoncé clairement. Côté français, on tente de trouver des habits à l'optimisme. Xavier Driencourt, ambassadeur de France, a déclaré mercredi à la presse qu'il pouvait «espérer» que les relations algéro-françaises passent à «une nouvelle étape». Le diplomate n'avait pas cessé, ces derniers mois, d'évoquer les difficultés liées «à l'instabilité législative» en Algérie. Une instabilité perçue comme un frein à l'investissement. Les officiels algériens, eux, notent, même s'ils ne le disent pas haute voix, que les entreprises françaises, y compris les agences bancaires, préfèrent «faire du commerce» que d'investir. Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat français en charge du Commerce extérieur, sera à Alger le 19 septembre pour probablement évoquer toutes ces questions et retrouver «le bon chemin» de… la détente.