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Grogne des salariés de l'EPBTP
BéjaïaBéjaïa
Publié dans El Watan le 20 - 09 - 2010

L'entreprise publique de bâtiment et de travaux publics (EPBTP) de Béjaïa est dans le rouge. Ses 270 salariés sont en ébullition. Ils réclament le paiement de 9 mois d'arriérés de salaires impayés, mais aussi le versement de toute une myriade d'indemnités professionnelles.
L'entreprise est frappée de plein fouet par une crise sans précédent. Elle risque de disparaître. Les caisses sont vides et toutes les demandes de débloquer les fonds nécessaires à la relance de l'activité se heurtent à une fin de non-recevoir de la part de la direction Getic Sétif, (Générale entreprise de travaux d'infrastructures et de construction), qui a tout récemment absorbé cette entreprise.
A vrai dire, la grogne des salariés couve depuis plusieurs mois. «Nous sommes abandonnés», peste un salarié, la trentaine, père de famille. «Nous réclamons nos salaires.
Toutes les autorités sont au courant de notre situation. Il ne nous reste que la rue», dit encore désespérément un autre employé. Regroupés autour de leur syndicat, les salariés dénoncent ce qu'ils considèrent être comme «une volonté inavouée, de démantèlement de leur entreprise», par leur tutelle, le groupe des entreprises de promotion et de la construction (GREPCO), Annaba, géré par la SGP Ijjab. Ce dernier avait décidé en mars dernier de faire absorber leur entreprise par une autre unité de moindre envergure : GETIC Setif. Le syndicat et le comité de participation de l'entreprise montent ainsi au créneau pour vilipender «une volonté à finalité de casser l'EPBTP qui aura des conséquences néfastes pour les salariés.» «Nous sommes menacés d'être jetés à la rue. Ils veulent ni plus ni moins nous sacrifier sur l'autel des financements débloqués par le gouvernement pour sauver l'EPBTP», ralle un syndicaliste.
Assainissement financier sur fond de manœuvres sournoises
Face à cette escalade visant à détrousser l'entreprise et ses travailleurs, les employés se disent «décidés à tout faire pour mettre le holà à cette spirale de mépris affiché par leur entreprise absorbante». Le 21 juin dernier, les salariés ont observé une grève d'une journée pour protester contre la décision d'absorption de leur entreprise. Le 7 juillet, ils reviennent à la charge et observent un sit-in devant le siège de la wilaya, en signe de protestation contre cette dissolution-absorption. Dans une lettre adressée à Abdelmadjid Sidi Saïd, SG de la centrale syndicale, l'union de wilaya de l'UGTA dénonce «le blocage délibéré de GETIC Setif et qui refuse obstinément de répondre favorablement aux multiples et incessantes demandes d'avances financières formulées par l'EPBTP à titre de prêt.»
Cette missive évoque «des dessins inavoués visant la fermeture et la disparition de l'EPBTP pour s'accaparer de l'enveloppe financière destinée à son assainissement» et parle de «manœuvres sournoises de déstabilisation et de déstructuration.» Dans une autre requête adressée à la SGP Injab, le conseil syndical et le comité de participation de l'EPBTP, estiment que «le blocage n'est guerre surprenant, leur objectif (de Getic Setif) n'est pas le redressement ou une quelconque relance d'activité de l'EPBTP, mais bien au contraire de la voir péricliter.» «Nous attendons le 23 septembre prochain. Nous avons une réunion de conciliation devant l'inspection de travail que nous avons saisi pour le non paiement de nos salaires. Si cette séance s'avèrera infructueuse, nous saisirons la justice», affirme Nabil Dris, président du comité de participation de l'EPBTP.
En attendant, l'entreprise est au bord du gouffre. A peine installé dans ses fonctions, le directeur de l'EPBTP, M. Belaloui, a déposé la semaine dernière sa démission pour protester contre le refus opposé par la direction Getic Sétif de débloquer les fonds nécessaires à la relance de l'activité. Dans sa lettre de démission ce cadre dirigeant dénonce ce qu'il considère être «une méthode (de Getic ndlr) fondée sur les fuites de responsabilités et l'indécision». «L'unité a un plan de charge de 833 millions de dinars puisque nous venons de décrocher des marchés publics (réalisation de logements, lycée, école…). Nous avons sollicité de Getic un prêt de 833 millions de dinars pour réaliser un chiffre d'affaire de 753 millions de dinars en 24 mois. Mais la direction de Getic nous a opposé un niet catégorique», explique M. Belaloui. Et d'ajouter: «Avec un tel plan de charge, nous pouvons créer 400 emplois», soutient M. Belaloui qui, dans la foulée, dresse un tableau sombre de l'entreprise et décrie sa situation qualifiée d'intenable «Je ne dispose ni d'une griffe, ni de délégation de signature. Comment voulez-vous gérer une entreprise dans ce cas ?».
Une absorption dénoncée
Il faut dire que cette entreprise est menacée de disparition au grand malheur de l'emploi. Les salariés se battent depuis le printemps dernier contre la dissolution-absorption de leur entreprise prononcée par leur groupe de tutelle (GREPCO Annaba), au profit de l'EPE Getic de Sétif. Pourtant, le gouvernement avait débloqué un conséquent fonds pour financer un plan de sauvetage au profit de cette unité. Le 31 mars, le groupe GREPCO a, en effet, prononcé l'absorption de l'entreprise au profit de l'EPE GETIC Sétif. En deux temps trois mouvements, l'EPBTP a été dissoute et son nom radié du registre de commerce et dans le fichier de l'administration fiscale. Une grande colère a éclaté au sein des salariés. Les deux partenaires sociaux (syndicat et comité de participation n'ont pas été consultés). La mobilisation bat son plein.
Des banderoles sont accrochées sur la devanture du siège social mais aussi aux abords de la base de vie de l'unité à El Kseur, sur lesquelles l'on peut lire «Non à cette absorption.» Les salariés dénoncent le fait accompli perpétré par leur groupe de tutelle qui a décidé de faire absorber abusivement leur entreprise par une autre entité économique de moindre envergure. Cette opération de fusion-absorption consiste à transmette le patrimoine entier, actif et passif inclus, de l'EPBTP de Béjaïa à l'EPE GETIC de Sétif. Le comité de participation et le syndicat battent le rappel des troupes et décrètent «l'état d'urgence». Ils exigent l'annulation immédiate de cette décision prise à leur insu et à l'issue d'une AG extraordinaire, tenue au siège du groupe GREPCO.
Les salariés ne comprennent pas comment ce groupe a pris une telle étrange décision, un mois à peine après que leur entreprise ait bénéficié de mesures d'assainissement destinées à recréer des conditions de relance. Le syndicat dénonce «une cabale orchestrée visant la mise à mort de cette entreprise» et affirme que cette opération de fusion «est menée dans la précipitation et l'opacité les plus totales.» Le ministère des finances avait débloqué, le 21 février dernier, un financement de 275 millions de dinars, et a prononcé l'annulation des obligations du trésor (6,6 millions de dinars), le rachat du découvert bancaire de l'entreprise (24,6 millions de dinars) et toutes les dettes fiscales et parafiscales (140 et 279 millions de dinars) ont été épongées, le tout assorti d'un budget à l'investissement de 700 millions de dinars.
Les griefs des syndicalistes ne s'arrêtent pas là : au moment où l'entreprise absorbante, GETIC Sétif, ne dispose comme actif que son siège social, et ne comporte qu'une seule branche d'activité, l'EPBTP de Béjaïa dispose des actifs dont la valeur vénale est largement plus consistante. L'EPBTP dispose, en effet, d'un terrain d'une superficie de 78 000 m2 accueillant plusieurs infrastructures : une ballastière, un atelier de fabrication de carreaux granito, une menuiserie, une ferronnerie, deux grandes plateformes de conception de différents produits d'agglo-béton, une busière, un siège social, une vingtaine de logements à Béjaïa, 6 locaux commerciaux, un parc roulant très fourni, des engins de terrassement et de travaux publics, un consistant parc de matériel de fabrication et transport de béton, un équipement de levage, un atelier de maintenance, un magasin de pièces de rechange et un magasin de matériaux de construction.
Face à cette situation de désarroi, le syndicat de l'EPBTP ainsi que le comité de participation ont sollicité l'intervention des politiques qui se sont effectivement saisis de l'affaire. Dans une lettre adressée, le 28 avril dernier, au ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements et au président du directoire de la SGP INJAB, Ali Bendrici, wali de Béjaïa, a plaidé en faveur de la révision de cette décision d'absorption, «eu égard, lit-on dans sa missive, à l'inquiétude que cette mesure a suscitée au sein de l'entreprise et à la protestation en gestation (...)» De son côté, Hamid Ferhat, président de l'APW de Béjaïa, a aussi défendu la cause des salariés de l'EPBTP. Dans une correspondance adressée, le 1er juin dernier, au président du directoire de SGP INJAB, le président de l'APW a qualifié cette décision d'absorption d'«occulte» et de «prédation aventureuse aux conséquences incalculables.» L'APW réclame «l'annulation de cette décision» et demande «la traduction des auteurs de ces aventures devant la justice.»


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