Les adultes sont, après le break du jeûne, en possession de toutes leurs facultés physiques et mentales. Malheureusement, ils ne maîtrisent pas du tout leur bourse, notamment durant la dernière semaine du Ramadhan. On comprend, dès lors, pourquoi la nuit plus que le jour on assiste à un grand rush dans les rues commerçantes des villes et villages du pays. C'est là qu'est mesurée la seconde saignée qui caractérise le budget des familles durant le Ramadhan. Un budget divisé, bon gré mal gré, en deux dotations. Une moitié sera avalée par tout ce qui est lié à la satisfaction du ventre : produits alimentaires, vaisselle, accessoires de cuisine. L'autre moitié sera consommée par les achats de vêtements, chaussures et autres articles en relation avec la fête de l'Aïd El Fitr. Du coup, les marchés situés dans les quartiers populaires vivent au rythme des va-et-vient incessants des parents traînant leurs enfants. Dans ces souks, les vendeurs des étals annoncent à haute voix les prix des articles proposés spécialement pour cette fête. Pour le sexe masculin ou féminin, il y en a pour les bébés, les enfants et les adolescents. La graduation des prix offre pourtant un éventail de choix. Un gilet-pantalon pour garçons (4 à 6 ans) au prix de 600 dinars est étalé au « marché Tnach » (marché de 12 heures, appelé ainsi du fait que son activité s'arrête à cette heure-ci) de Belouizdad, au centre d'Alger. L'étiquette collée au col du gilet porte l'inscription Abdul Rahman. Provient-t-il d'un pays arabe ? « Non, de Chine », nous répond le vendeur qui tient l'étal où sont exposés d'autres articles. Des vendeurs comme lui sont assiégés par, notamment, les femmes, qui demandent en même temps le prix de l'article et la taille. « Combien coûte cet ensemble pour filles et avez-vous la taille qui correspond pour ma fille de 10 ans », demande une dame. Un ensemble pantalon-gilet à 1200 DA, alors qu'un autre avec en plus un body est annoncé pour 1500 DA. Cette mère est obligée de faire des achats pour deux garçons et une fille. Son mari travaille dans une administration d'un ministère. « Avec un salaire de 16 000 DA, comment vêtir trois enfants ? », avoue-t-elle. Ceci en pensant à la suite des dépenses. A proximité, une dizaine de femmes demandent les prix et les pointures pour leurs enfants. Des chaussures et des baskets, dont les prix sont respectivement 800 et 1200 DA sont proposés. Le vendeur s'exclame : « China, China, pour zaouali (le pauvre, ndlr) ! ». La mode des ensembles Virée en direction du Bazar, marché situé à Sidi M'hamed (Alger). Réputé pourtant pour être un point de chute des effets vestimentaires d'importation, ce lieu très prisé des femmes vit au non-stop. Les hommes qui s'y aventurent la nuit tentent de jouer à l'équilibrisme. « Les ensembles pour garçons ou filles offrent l'avantage d'avoir une tenue vestimentaire complète, mais cela érode inévitablement ma paye, surtout que j'ai quatre enfants », nous confie un employé d'une entreprise privée. Un ensemble aux couleurs vives pour filles est proposé à 1500 DA. Un autre pour garçons est proposé à 1200 DA. « Il faut rajouter aussi les baskets et les accessoires à nos dépenses », enchaîne un autre père de famille. A Boumati (est d'Alger), c'est la même ambiance, sauf que la foule est plus importante. Mais aussi et surtout les prix sont sensiblement moins chers. Il est vrai également que la qualité des articles (vêtements, chaussures ou baskets) est à discuter. Des milliers de citoyens, surtout ceux habitant la capitale, se dirigent vers ce lieu dans l'espoir de minimiser les dépenses. Or c'est également la grande bousculade du côté des magasins situés au niveau des grandes rues. Les boutiques Kiabi de Hassiba Ben Bouali ou colonel Amirouche sont assiégées. Il en est de même dans les deux surfaces de Printemps, sises à Bab Azzoun et Mohammadia ou au Carrefour situé à Bir Mourad Raïs. Les gens se plaignent de la cherté des prix, mais finissent par sortir avec des sacs remplis d'effets vestimentaires. Certains clients s'interrogent sur l'origine de toutes ces marchandises qui sont déversées ces jours-ci en prévision de l'Aïd El Fitr. Incontestablement, la Chine vient en tête, selon les réponses des vendeurs. Les autres pays sont, toujours selon les mêmes sources, la Turquie, la Syrie (surtout pour les jeunes filles) l'Inde, le Pakistan, l'Asie du Sud- Est (Taïwan). A côté, on trouve des produits qui portent des étiquettes : made in France, made in Germany, mais « c'est de la contrefaçon », nous confie un habitué du « cabas ». Un compagnon à lui, également dans le circuit du cabas (voyageurs qui font passer des vêtements, chaussures et autres sous forme de bagages), donne plus d'explications. « Des ateliers dans certains pays de l'Europe de l'Est se sont maintenant spécialisés dans la contrefaçon et le sigle UE nous aide énormément à écouler nos marchandises. » Du nouveau dans la fripe Mais il n'y a pas que ce type de marchandises qui inonde le marché algérien. Actuellement, une nouvelle catégorie d'articles est proposée dans les échoppes de la friperie. Aux côtés des vêtements habituellement vendus comme étant déjà utilisés, on retrouve des vêtements neufs. La preuve de cette virginité de cette catégorie d'articles est l'étiquette du prix (inscrit en euro) suspendu à un fil en plastic. Pour les enfants, des salopettes à 900 DA pour garçons et des robes pour filles à 800 DA. Pour les adultes, pour les hommes des jeans à 1300 DA et des chemises à 700 DA. Pour les femmes, des pantalons à 1500 DA et des bodys à 800 DA. « Ce ne sont pas uniquement les petites bourses qui achètent dans nos boutiques, mais aussi des clients en apparence aisés font leurs emplettes chez nous », avoue un vendeur d'une friperie située à Bir Mourad Raïs. « J'ai pratiquement réglé mes achats pour les vêtements de mes trois enfants avec un budget de 400 DA », nous dira une dame sortant d'un friperie située à la rue Ben M'hidi. Il faut aussi intégrer les chaussures d'occasion acquises également au niveau de certaines friperies avec un budget aussi réduit à la baisse. Reste qu'à l'occasion des fêtes de l'Aïd (comme à l'occasion de la rentrée scolaire), les parents se plaignent que leurs enfants soient exigeants. Une tendance qui pousse certains chefs de famille à tenter de résister face aux « caprices » de leur progéniture. Il est vrai aussi que de nombreux citoyens accostés dans les boutiques s'accordent à dire que le marché, cette année, est bien achalandé, mais un peu cher par rapport aux petites et moyennes bourses.