Décidément, les tortionnaires des régimes maghrébins ne sont plus à l'abri des poursuites judiciaires lorsqu'ils se rendent à chaque fois en France. Khaled Ben Saïd, ancien vice consul et actuellement haut fonctionnaire au ministère de l'Intérieur en Tunisie vient d'apprendre cette nouvelle réalité à ses dépens. Reconnu coupable d'avoir ordonné à des policiers de torturer la femme d'un opposant tunisien le 11 octobre 1996 alors qu'il dirigeait le commissariat de Jendouba, la Cour d'assises de Meurthe et Moselle a condamné en appel Khaled Ben Saïd à 12 années de réclusion criminelle. Pour rappel, Khaled Ben Saïd a pris la fuite dès les débuts de l'instruction et ne s'est présenté ni devant la cour d'assises du Bas-Rhin en première instance, ni en appel devant celle de Meurthe-et-Moselle. Pour sa part, la victime, Mme Gharbi, réfugiée en France, elle avait porté plainte en 2001 contre son tortionnaire en apprenant que celui-ci était vice-consul de Tunisie à Strasbourg. Et après un combat de neuf années, Mme Gharbi a réussi enfin à faire entendre la vérité. Une belle leçon de courage applaudie par de nombreux mouvements de lutte pour la défense des droits de l'Homme. "Cette condamnation emblématique vient rompre le cercle de l'impunité pour les crimes de torture commis en Tunisie. Les tortionnaires tunisiens ne sont désormais plus à l'abri de poursuites judiciaires. Cette décision des juges français établissant la culpabilité de Ben Saïd démontre que la raison d'Etat ne peut l'emporter sur le droit des victimes à obtenir justice", s'est réjouit après l'annonce du verdict Souhayr Belhassen, Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme. "Le procès a mis en exergue l'institutionnalisation de la torture comme moyen de répression à l'encontre de toute voix dissidente et comme instrument de terreur" a déclaré, quant à lui, Omar Mestiri, du Comité national des libertés en Tunisie (CNLT). "Dans la période de restriction des libertés que traverse la France, ce verdict vient démontrer qu'il existe aussi une justice indépendante", a fait savoir également Me Eric Plouvier, avocat de Mme Gharbi. Enfin, il est à souligner que c'est la deuxième fois qu'une juridiction française jugeait un ressortissant étranger pour des faits commis à l'étranger en vertu de sa "compétence universelle". Est-ce la fin de l'impunité des apparatchiks des régimes despotiques qui considèrent jusque là la France comme étant un refuge où personne ne peut les inquiéter pour leurs actes ignobles ? Les défenseurs des Droits de l'Homme l'espèrent bien...