Les espoirs suscités par l'élaboration d'un nouveau code de la commune s'effilochent à la lecture du projet de loi. Réclamant plus de prérogatives pour assurer une meilleure gestion de la collectivité locale, les élus se voient réduits à de simples agents communaux, sans un réel pouvoir leur permettant d'entreprendre et d'agir dans l'intérêt de la population locale. Le P/APC ne verra pas ainsi son pouvoir réhabilité à la faveur de ce nouveau texte. Au contraire, il sera supplanté par un tout puissant secrétaire général qui sera nommé dans les grandes communes de plus de 100 000 habitants par décret présidentiel et dans les petites communes par un arrêté ministériel. Le P/APC ne sera donc pas le maître de sa commune, comme c'est le cas dans les Républiques démocratiques. Outre le poids du SG dans la gestion des affaires de la commune, le P/APC sera, en vertu du nouveau code, placé sous l'autorité directe du wali qui a le pouvoir de le démettre de ses fonctions sans l'aval de l'APC. L'article 116 souligne que lorsque le président d'APC refuse d'accomplir un des actes qui lui sont prescrits par les lois et règlements, il est mis en demeure par le wali. En cas de refus du président d'obtempérer à la mise en demeure, le wali procède à sa destitution d'office après avoir prononcé la suspension du président défaillant pour une durée n'excédant pas trente jours sans préjudice des sanctions prévues par la loi. Ce nouveau texte apporte un palliatif aux récurrentes dissidences au sein des assemblées communales qui se répercutent négativement sur le fonctionnement de la commune. Ainsi, si dans l'actuel code, deux tiers des membres de l'assemblée locale peuvent retirer leur confiance au P/APC, le nouveau projet de loi exige pour ce faire le vote des quatre cinquièmes des membres de l'assemblée. En effet, l'article 85 stipule que pour des motifs graves, le président d'APC peut faire l'objet de retrait de confiance de la part des membres de l'assemblée. Dans ce cas, deux tiers des élus peuvent demander au P/APC de convoquer une session extraordinaire à cette fin. En cas de refus, le wali peut convoquer l'APC en session extraordinaire. Si la motion de défiance est consacrée par les quatre cinquièmes des voix, le P/APC est démis de ses fonctions sans préjudices de sa qualité d'élu. Le P/APC risque aussi d'être délogé s'il s'absente une semaine. Le wali a également le pouvoir d'adopter et d'exécuter le budget de la commune dans le cas de dysfonctionnement de l'Assemblée communale. Pour que la session de l'Assemblée communale se tienne en dehors des locaux de l'APC, il faut au préalable l'autorisation du wali. Une autorisation indispensable également pour la tenue des assemblées extraordinaires. Autrement dit, le wali, nommé par décret présidentiel, sera le véritable dirigeant de la commune. Les élus ne seront que l'instrument. Le nouveau code communal est donc loin de réhabiliter l'élu et donner un sens à l'acte électoral. Pourtant, plusieurs partis politiques n'ont cessé de revendiquer le renforcement des prérogatives des élus. Lors de la publication de la première mouture de ce projet de loi en 2009, plusieurs responsables politiques avaient dénoncé un recul sur des acquis démocratiques durement arrachés. En effet, ils estimaient que donner plus de pouvoirs à l'administration au détriment des élus n'est pas le meilleur moyen pour consacrer la pratique démocratique. Ils considéraient que l'administration, comme partout dans le monde, doit se contenter de jouer le rôle d'accompagnateur du processus de développement, de facilitateur, de régulateur, laissant aux élus de s'occuper du reste. Le nouveau texte organisant la commune n'apporte rien de nouveau en termes d'amélioration de la finance locale, dont l'insuffisance constitue un réel problème pour le développement des communes. celles-ci croulent sous le poids de la dette. En mars 2008, l'Etat avait pris la décision d'éponger les dettes des communes contractées entre 2000 et 2003. Le montant dégagé pour ce faire était de 22 milliards de dinars. En dépit de cet effort, près de 1300 communes sur 1541 souffrent toujours de déficits financiers et n'arrivent même pas à régler les salaires de leurs employés. Ainsi, en 2007, la dette des communes s'élevait, selon les estimations du ministère de l'Intérieur, à 116 milliards de dinars. Les facteurs favorisant ces carences sont, entre autres, le faible apport des finances locales et de la fiscalité locale aux finances publiques. Selon de récentes statistiques, la fiscalité locale représente 230 milliards de dinars, soit 24% du montant global de la fiscalité ordinaire annuelle, qui est estimée à 955 milliards de dinars. Ces déficits financiers, dont souffrent la plupart des communes, sont, aux yeux de nombreux spécialistes, la conséquence directe de la politique de gestion budgétaire qui demeure centralisée. Le nouveau code de la commune n'apporte pas de remède à cette situation symptomatique de la mauvaise santé économique du pays. Une économie qui souffre encore de la centralisation de la décision.