La mouture adoptée par le Conseil du gouvernement renforce les pouvoirs déjà importants de l'administration en confortant les rôles prépondérants des SG des communes et des walis, selon des parlementaires. Après plus de 10 ans de valses-hésitations, de tergiversations et de reports successifs, le gouvernement consent enfin à réviser la loi 90-08 portant code communal.Une «bonne nouvelle» ? Des députés de «l'opposition parlementaire» ne cachent pas leur scepticisme quant aux visées politiques de cette démarche et doutent de la «bonne foi» du gouvernement. Tarek Mira, député de Béjaïa – en rupture de ban avec son parti, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) –- est de ceux-là. «Si l'on s'en tient à ce que la presse a rapporté sur le sujet, le nouveau code s'apparente à un tour de vis supplémentaire et ne fera que renforcer les pouvoirs déjà importants de l'administration en confortant le rôle prépondérant de ses agents, notamment les secrétaires généraux des communes et les walis.» Ces derniers, à la lumière de ce que prévoit le nouveau texte de loi, seront investis, d'après le parlementaire, des pouvoirs d'un «super-gouverneur» disposant du droit de vie ou de mort sur les assemblée élues. Une incongruité que dénonce un autre député, chef de file du Front national algérien (FNA), Moussa Touati. Le projet de loi, tel qu'il a été échafaudé par le gouvernement, sans «consultation préalable des élus du peuple», dénote, selon lui, du «mépris» viscéral que cultive le pouvoir politique envers le peuple. «Légiférer exclusivement par ordonnance, déclare M. Touati, ou soumettre pour approbation factice de l'Assemblée nationale des textes qui ne sont pas de son émanation propre n'est rien d'autre qu'une forme de mépris envers son peuple. Yahegrou fichaâb.» Quatre mois après son accession au poste de ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, qui, contrairement à son prédécesseur Nourredine Yazid Zerhouni, (actuel vice-Premier ministre sans prérogative), donne l'impression de vouloir accélérer le processus de révision de cette loi, vieille de 20 ans.Une impression vite démentie lors du dernier Conseil des ministres où deux textes de loi – et pas des moindres, le code de wilaya et la réforme de la fiscalité locale – manquaient cruellement à l'appel. Pour le gouvernement, il ne s'agit là que d'«une approche graduelle dans la réforme des collectivités locales, tant au plan institutionnel que fiscal». Dans le communiqué diffusé mardi par le gouvernement, le président Bouteflika exigeait de son nouveau ministre de l'Intérieur de «diligenter la présentation du projet du code de wilaya», un cadre juridique censé être indissociable des autres textes relatifs, notamment au code communal et à la fiscalité locale.«Un ministre qui débarque a toujours besoin de marquer les esprits, de se distinguer par rapport à son prédécesseur, en laissant sa propre empreinte dans la gestion de son secteur. Je présume que c'est le cas pour Ould Kablia», commente un parlementaire qui dit accorder «peu de crédit» à l'annonce faite par le gouvernement. Le texte de loi n'apporte rien de nouveau, perpétue les mêmes modes de gestion, fait observer pour sa part Mohcen Belabès. Le député RCD croit déceler dans la démarche du gouvernement une pointe de nostalgie pour le «temps du parti unique», un retour en force du centralisme jacobin.«Si Bouteflika a décidé de renforcer les pouvoirs de ses walis, nommés par décret présidentiel, il ne fait que se renforcer lui-même au détriment des élus du peuple.» Sous couvert d'octroi d'une plus grande stabilité aux assemblées communales, minées par les dissensions, plusieurs articles du nouveau code – dont des extraits ont été publiés par la presse – investissent le wali de pouvoirs exorbitants, y compris celui de «répudier» sans sommation un élu du peuple, aussi maire soit-il. L'article 63 du nouveau code communal établit un contrôle renforcé du wali sur les délibérations de l'Assemblée communale. Certaines délibérations, comme celles portant sur «les aliénations», «les acquisitions ou les échanges d'immeubles», «les emprunts», «l'acceptation des dons et legs», «la passation des marchés publics», «l'intercommunalité», «le vote de défiance entraînant le retrait de confiance au président d'APC»… ne seraient exécutoires qu'après approbation du wali. Même une réunion simple de l'Assemblée tenue à l'exterieur du siège de l'APC ne peut avoir d'effet que si le wali donne son aval. Miloud Chorfi, député du Rassemblent national démocratique (RND), se dit partisan de la «solution médiane». «Il faut trouver un juste équilibre dans la répartition des prérogatives des uns et des autres. Nous ne sommes ni pour la prééminence du rôle de l'Administration sur celui des assemblées élues, ni pour celui des élus aux dépens de l'Administration. Seul l'intérêt des citoyens doit primer», dit-il. Les partis de l'Alliance présidentielle voteront-ils pour ce texte ? Chorfi se prend au jeu de la démocratie parlementaire et ne veut pas «anticiper les événements». «Lorsque le projet de loi en question sera présenté à l'Assemblée nationale, ce jour-là, nos députés débattront du texte et feront prévaloir l'idée du juste équilibre dans la répartition du pouvoir local.» Le président Bouteflika nourrirait-il d'autres desseins que ceux que ses opposants lui prêtent ? «Nous devons bien préparer et réussir la modernisation de la commune comme espace essentiel de bonne gouvernance et de développement de proximité», a déclaré, avant-hier, Abdelaziz Bouteflika lors du Conseil des ministres. Les Algériens veulent tellement y croire !