La déclaration de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), à l'occasion du cinquième anniversaire de l'adoption de la charte sur la paix et la réconciliation nationale, soutient que la démarche n'a pas réalisé ses objectifs. Les rédacteurs du document estiment que «la realpolitik qui a sacrifié la vérité et la justice sur l'autel des règlements politiques n'a pas réalisé la paix et la réconciliation nationale en Algérie». Le contenu de la déclaration remet en question tout le projet. Le bilan établi par la ligue de Me Boudjemâa Ghechir se construit sur des convictions émanant des principes des droits humains et un nombre de constats tirés de la situation engendrée par 5 ans d'application de la charte.Pour commencer, la LADH réitère sa vision de la réconciliation : «La paix sociale ne peut se réaliser par le silence autour de ce qui s'est passé et ce qui se passe […] La charte aurait à gagner davantage de crédibilité et d'adhésion si un large débat public venait à s'installer, car une réconciliation nationale se construit et s'acquiert et ne se décrète pas.» Deux fondamentaux qui ont été sacrifiés par le projet de Bouteflika, selon la ligue qui, plus loin, se dit «vivement préoccupée par le fait que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ont été sapés par certaines dispositions de la charte». La LADH est «préoccupée également par les conséquences préjudiciables de certaines dispositions de la charte sur la jouissance des droits des défenseurs des droits humains, des membres des associations des victimes du terrorisme, des associations des disparus, les activistes des partis politiques et les journalistes». Le projet doit dépasser le concept de réconciliation entre deux parties au conflit ou seulement l'œuvre du président de la République et se hisser à un mouvement d'évolution sociale qui vise une prise de conscience collective, estiment encore les rédacteurs de la déclaration qui réaffirment le droit du peuple algérien de connaître la vérité, toute la vérité. La déclaration s'achève en abordant la question de l'impunité. «La lutte contre l'impunité est un élément central de la réparation et l'équité», lit-on encore. Insistant sur le sujet, la déclaration appelle à «rejeter la situation confuse où tout le monde est coupable, tout le monde est innocent, identifier les assassins, les criminels et les traduire en justice». La philosophie qui fonde la justice est toute rétablie, car le fait de traduire un criminel en justice s'inscrit dans cette recherche de paix sociale, le but de la justice étant multiplié, à savoir retisser le tissu social, restaurer les normes et les valeurs. L'essentiel du propos est résumé dans cette phrase : «Beaucoup de victimes et leurs proches souhaiteraient tourner la page, mais n'en sont pas capables dans la mesure où elles ont l'impression que la justice n'a pas été rendue.»