Au menu : du lait à la fraise, un yaourt à la banane, du pain et une bouteille d'eau. Le programme : manger entre deux étagères, à l'abri des regards. « Pour ne pas offenser », expliquera un jeune Suédois de 26 ans, Johan, travaillant en tant que consultant depuis quelques semaines à Mobilis. Il est midi, et le jeune homme a discrètement sorti ses sachets plastique de son sac. Pour sûr qu'il aurait préféré avaler un bon sandwich avec quelques frites bien chaudes mais pour l'heure, il y a fait une croix. Son teint pâle, ses cheveux clairs et son accent prononcé pourrait faire figure de visa pour expliquer son haleine chaude de café. Mais Johan ne compte pas dessus. Il s'adapte. Sans rancœur. Nannette, elle, est à peu près dans le même état d'esprit. Travaillant également à Mobilis en tant que « buying manager », la Sud-Africaine a plus d'expérience. « C'est bon le Ramadhan pour moi », dit-elle en montrant ses formes généreuses. Le mois de jeûne ne lui pose aucun problème visiblement. Elle se nourrit comme elle peut avec ce qu'elle peut trouver dans le commerce. « Ce n'est pas mon premier Ramadhan dans un pays musulman. Mais je dois constater que c'est différent en Algérie. J'ai déjà travaillé au Maroc, au Sénégal et au Soudan durant le mois de jeûne et les étrangers n'avaient aucune difficulté à se restaurer. Certains restaurants restaient ouverts ou bien il était possible de se procurer un sandwich chez un gargotier », raconte-t-elle. « J'ai été surprise de constater qu'à Alger, il en allait tout autrement. Tout le monde a baissé rideau. Même le soir, on a du mal à trouver un endroit où manger. Le restaurant de l'hôtel où je réside est également fermé », explique la Sud-Africaine. Sans animosité ni rancœur, elle expose le problème le plus naturellement du monde. « Je suis dans un pays musulman et je dois m'adapter. J'espère juste ne contrarier personne lorsque je grignote un peu le midi », avance-t-elle. La fondation Friedrich Ebert est domiciliée sur les hauteurs d'Alger, à El Biar. La fondation est allemande et s'échine à procurer des aides aux associations locales. La plupart des membres de la fondation sont de nationalité allemande. « Pour nous, c'est le Ramadhan toute l'année », explique Mme Skalweit, assistante à la fondation. « Les membres de la fondation ont l'habitude de ne pas manger le midi, donc pour nous, le Ramadhan est un mois comme un autre », explique-t-elle. Et de faire remarquer qu'ils restent tous de bonne humeur. « Lorsque je veux fumer ou grignoter quelque chose, je ferme la porte de mon bureau pour ne pas déranger », explique Mme Skalweit. « C'est par respect que je ne mange pas devant eux », commente-t-elle. Le nombre d'entreprises étrangères s'implantant en Algérie s'accroît et pourrait connaître une recrudescence visible avec l'intégration du pays à l'OMC. Pour ceux déjà installés en Algérie, le mois de jeûne ne pose pas de problème même s'il eut été plus aisé de trouver quelques restaurants ouverts. Interrogé, le gérant d'un restaurant situé à Belcourt, et qui réservait tous les jours des tables pour une clientèle étrangère, s'explique difficilement. Ouvrir pendant le mois du Ramadhan n'aurait pas été rentable, selon lui, car il n' y a pas beaucoup d'étrangers finalement qui viennent manger chez lui. Et puis, reste la pression sociale... Le gérant n'était pas sûr que cela n'aurait pas offensé quelques personnes. Peut-être également qu'il aurait connu des représailles.